Une idée lumineuse a un jour frappé Béatrice. Transformer des pare-battages de bateau en luminaires éco-responsables. Un geste aussi brillant pour le design que pour l’environnement. Car si ces bouées sont censées protéger les embarcations, elles sont aussi un réel risque de pollution arrivées en fin de vie. Une contradiction que l’Atelier Poupe déjoue habilement en éclairant notre lanterne, upcyclée bien sûr.
L’horizon du large n’a jamais été bien loin des yeux de la marseillaise Béatrice Sosna. Chargée de la logistique pour un équipage du Tour de France de voile à l’âge de 23 ans, puis dirigeante avec un ami d’une association qui permet aux enfants des cités de nationalités étrangères de s’initier à la voile, elle a ensuite tiré des bords en cherchant sa voie dans le webmarketing et l’immobilier, avant de se jeter de nouveau à l’eau. Poussée à réfléchir par la vague de Covid 19, Béatrice trouva l’inspiration pour son idée lumineuse lors d’une balade sur le vieux-port de la cité phocéenne. En observant les pare-battages, ces bouées qui protègent les flancs des bateaux, elle imagina un détournement créatif pour en faire des lampes. L’Atelier Poupe voyait ainsi le jour, porté par l’évidence de l’idée, et Béatrice retrouvait le cap qui lie son destin à la mer.
Pourquoi une évidence ? Parce que ces bouées possèdent, pour qui sait les regarder, un potentiel design inédit et inépuisable, évoquant les ready-mades de Marcel Duchamp, qui érigea en œuvres d’art les objets triviaux du quotidien. Au-delà de l’analogie formelle entre une solide bouée et le globe d’un luminaire, une idée si simple et brillante qu’on est en droit de se demander pourquoi personne ne l’avait eu avant, de nombreux avantages techniques sautent aux yeux. Le PVC qui les compose est extrêmement solide, c’est sa fonction même, mais aussi imputrescible, ce qui lui permet d’être aussi durable à l’extérieur qu’à l’intérieur.
L’Atelier Poupe est animé par une vocation éco-responsable qui corrige un paradoxe. Car si ces défenses sont pensées pour éviter tout choc sur les coques des navires, elles représentent en revanche une menace concrète pour l’environnement, puisqu’arrivées en fin de vie, elles sont abandonnées, enfouies voire brûlées. Aucune filière de recyclage n’existant pour le plastique – composé chimique à partir de pétrole et de sel- qui fait ces bouées. Protéger en polluant, on a vu plus logique. Pour donner un second souffle à ces pare-battages, la jeune femme a conçu un protocole d’embellissement qui fait merveille : nettoyage complet, puis décapage avec une sableuse, puis perforation à la perceuse pour créer une foule de motifs ajourés.
Exploitant les différents modèles de pare-battages en usage, les lampes de l’Atelier Poupe constituent une collection de formes multiples et ludiques, portant les noms de créatures des mers qui inspirent encore et toujours Béatrice. Calamari, pour un luminaire que l’on peut imaginer aussi grand qu’un calamar géant, Couteau, et son design allongé et symétrique, ou encore Oursin, à la rondeur réconfortante. Chaque pièce est une ode à la mer, à ses écosystèmes et à sa protection, parenthèses de calme et de lumière dans la tempête. Des images qui déferlent et sont invoquées par le nom même de l’atelier. La poupe, qui désigne l’arrière du bateau, évoque l’endroit où l’équipage se retrouve après une sortie en mer pour des moments de détente. Suspensions, abat-jour, lampes de chevet, les créations de l’Atelier Poupe peuvent aussi se faire baladeuses, transportées par exemple d’un pont de bateau à son havre de paix domestique. L’idée de Béatrice a cela d’exemplaire, qu’elle nous rappelle que l’upcycling peut être aussi ludique et réjouissant qu’un jeu d’enfant.