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Ici l’Atelier. À vous la Terre

Passionnés de céramique, Camille et Anthony, en duo dans la vie comme au travail, ont imaginé Ici l’Atelier à La Ciotat, un lieu hybride et ouvert, à la fois espace de production et agence de design, où l’échange est le maître mot. Elle est designer, lui, artiste, leurs visions se croisent et engendrent des créations et des collaborations dont l’esprit se résume à deux mots : partage et transmission.

Dans leur joli atelier-boutique, visible et accessible à tout curieux qui passerait au 9, rue Albert et Georges Arnoux à La Ciotat, Camille et Anthony façonnent la terre en duo, croisant leur regard de designer et d’artiste passionnés de céramique. Persuadée que la transmission est le point clé de leur métier, Camille suscite et cultive les rencontres avec d’autres artisans et métiers artistiques, les passants impromptus, mais aussi à travers les retraites qu’elle imagine avec son amie Emily pour initier le public à la céramique et à d’autres plaisirs terrestres. Partageant leur temps entre leurs propres créations et leurs collaborations sur mesure, à la tête de leur agence design, avec des marques auxquelles ils prêtent leur savoir-faire créatif, Camille et Anthony s’emploient à explorer sans cesse, dans une émulation mutuelle, toutes les ressources de leur métier. 

À leur façon dénuée de fioritures mais parée de couleurs douces et naturelles, ils signent des objets de caractère. Camille imagine des créations fonctionnelles et durables, idéales pour le quotidien et Anthony, des pièces artistiques dans l’optique d’installations contemporaines. Le lieu qu’ils ont imaginé permet une immersion totale dans leur pratique, de l’idée à son façonnage, tout en plongeant dans leurs sensibilités créatives respectives qu’ils souhaitent partager au fil de collaborations, de projets personnels, de commandes et de workshops ouverts au public.

Pouvez-vous m’en dire plus sur vos parcours respectifs et comment vous vous êtes retrouvés à créer Ici l’Atelier ?

Anthony a fait un parcours en art, mention céramique, il est passé par Beauvais, Valenciennes et il a terminé à l’Ensa de Limoges (ndlr, École Nationale Supérieure d’Art). Moi, j’ai un parcours design, commencé en région parisienne dans une école qui enseignait le design produit, avec une section dédiée à la menuiserie, la charpenterie, les métiers du bois. Ce n’était pas spécifique à mon cursus mais on a fait énormément de prototypes en bois, ce qui m’a donné une première approche dans la conception de meubles. Ensuite, j’ai rejoint l’Ensa, où j’ai rencontré Anthony. J’étais en section design, mention céramique, et l’atelier de l’école était immense, toutes les mentions travaillaient ensemble en autonomie, avec la volonté de flouter la frontière entre l’art et le design pour que tout le monde se nourrisse des autres. Puis j’ai fait un master en design, à l’école de La Souterraine Raymond Loewy, spécialisée en design éco-responsable. 

Anthony a tout de suite été en atelier indépendant et moi, chez Hartô, une maison d’édition de meubles qui était à Paris à ce moment-là. Avant d’aller travailler pour Alinéa en tant que designer de meubles de salon. C’est comme ça que l’on est arrivé dans le Sud, car les bureaux d’Alinéa sont situés à Aubagne. Pendant tout ce temps, on avait toujours un atelier (de céramique, ndlr) sous la main. Au début, c’était chez nous, on en a aussi un chez mes grands-parents en Normandie et en arrivant à Marseille, on a partagé un atelier avec d’autres jeunes céramistes. Lorsque mon contrat chez Alinéa est arrivé à sa fin, on s’est demandé si ce n’était pas le moment de faire ça à temps plein, plutôt que toujours « à côté », c’est comme ça qu’Ici l’Atelier est né. 

Un atelier suppose plutôt une pratique solitaire, presque intime. Le vôtre est à l’opposé. Pourquoi ce choix et pourquoi ce nom Ici l’Atelier qui semble nous interpeler ?

L’idée à la base, c’était de créer un endroit de rencontres autour de la céramique, autour de notre passion. Il fallait que l’on puisse avoir notre espace de travail, mais on voulait aussi proposer des ateliers avec toute une programmation – mise en stand by avec le covid – d’événements et vernissages où l’on choisissait des confrères et consœurs en céramique contemporaine et, pendant 2 mois, ils étaient en expo/vente chez nous. On voulait dès le départ rendre la céramique accessible, que les gens puissent découvrir l’éventail des possibles avec la matière mais aussi rencontrer des personnes passionnées, s’essayer eux-mêmes à la céramique et que ça soit un lieu ouvert. L’important pour nous, c’est la transmission et le partage. 

Les formes que vous imaginez sont souvent sobres et néanmoins chaleureuses. Vous entretenez cette esthétique qui associe dimension humaine et fonctionnalité ? 

J’ai fait un séjour au Danemark quand j’étais étudiante et 6 mois de stage chez un designer danois qui m’a énormément appris sur le côté éco-responsable, dans son aspect intemporel, avec l’idée que la forme suit la fonction. Le but c’est de se rapprocher de l’essence même de l’objet et de pouvoir lire la façon dont il a été fabriqué. On trouve ça beau, d’autant que ça pousse à se questionner sur le processus de réalisation de nos pièces. 

En faisant de l’artisanat, souvent on voit des aspérités, des choses qui racontent l’histoire de la création. On a par exemple des porcelaines coulées dont certains détails sont encore un peu apparents, mais ça témoigne des longues étapes que ça demande. C’est un travail d’orfèvre que l’on fait et c’est intéressant d’avoir ces détails pour le faire remarquer.

Vous organisez des retraites thématiques où la céramique rencontre d’autres domaines, comme la cuisine. Quelle était votre volonté en créant ces formats originaux ?

C’est un peu la continuité de notre projet qui a rencontré une autre volonté. J’organise ça avec une amie de très longue date que j’ai rencontrée en tant qu’animatrice quand j’étais étudiante. À l’époque, on faisait des séjours immersifs pour enfants sur la culture française, l’époque médiévale. On devait organiser pas mal d’activités pédagogiques autour des thématiques et ça avait été un gros coup de cœur pour nous. 

Mon amie est écrivaine et journaliste culinaire, elle fait aussi des tours guidés gastronomiques et en discutant, on s’est dit qu’il fallait qu’on crée quelque chose qui réunisse nos deux passions, pour travailler la céramique mais aussi partager les recettes d’ici au fil d’anecdotes historiques. On a mis en place des programmes qui permettent de s’immerger dans un endroit sans aucune charge mentale, puisque tout est organisé afin que chaque personne puisse se concentrer sur la création et l’échange. On s’est un peu imaginé nos vacances idéales, on a des temps méditatifs de création, quelqu’un qui fait à manger pour nous, tous les produits à table sont choisis pour nous, on n’a pas à réfléchir. On espère créer comme ça des moments privilégiés et hors du temps. 

Comment vos deux approches, entre art et design, vous permettent-elles d’expérimenter différemment avec la céramique ? 

Le fait de travailler ensemble, et que l’on soit aussi en couple dans la vie, nous donne beaucoup de confiance en nous. Quand on a un doute ou que l’on n’ose pas, on se pousse mutuellement. En travaillant, on se met parfois soi-même des barrières, on s’interdit des choses. Nous, on se nourrit beaucoup de nos échanges et c’est ce qui nous fait avancer. On dessine séparément tout en gardant un œil sur le travail de l’autre et on fabrique quasiment tout ensemble. 

On a eu une période, des phases où l’on s’inspirait de sujets et objets en particulier, puis on a évolué et on a grandi au fil de nos échanges, nos voyages et nos rencontres pour ne plus avoir d’idées limitantes. 

Vous avez nommé votre première collection PACA, comme imprégnée de vos souvenirs liés à la découverte de votre « région de cœur ». Comment le Sud vous a-t-il inspirés ? Pourquoi y êtes-vous restés ?

Je ne sais pas si c’est le Sud en général ou La Ciotat qui nous a vraiment parlé. C’est ici qu’on a posé nos valises, on a eu un bébé et même si cela ne nous empêchera pas de bouger un jour, c’est une région où l’on se sent bien, on aime beaucoup la ville parce que l’on n’est pas loin des métropoles, tout en étant au pied des collines et à côté de la mer. On aime le côté assez simple qu’a pu garder La Ciotat, elle nous ressource et nous inspire. 

Vous êtes tous deux passés par Limoges pour vous former au savoir-faire porcelainier. Vous lui dédiez aussi une collection, la Kaolin en porcelaine. La céramique repose t-elle à vos yeux sur la transmission d’un patrimoine culturel  ?

On a la chance d’exercer un métier d’art où la formation est importante mais la transmission l’est plus encore. Elle peut se faire même sans formation à vrai dire. Les personnes qui nous ont formés à Limoges, elles avaient travaillé plus de 40 ans dans des manufactures dans cette ville très empreinte de la culture porcelainière et on a été très chanceux de pouvoir apprendre auprès d’elles. 

C’est hyper important de continuer à faire vivre un savoir-faire tout en l’adaptant à notre vision. Il y a de nous bien sûr dans nos créations mais aussi un peu d’une histoire commune que l’on prolonge. 

Des meubles seront bientôt disponibles sur votre site. Anthony, lui, conçoit des pièces de décoration parfois imposantes, comme cette chaîne qui sort du sol. La céramique n’a pas de limite à vos yeux ? 

Oui, on travaille sur des tables basses et des petites étagères en céramique, on en est aux prototypes. On alterne entre le dessin pour des marques qui nous sollicitent et le temps qu’on peut s’allouer pour développer nos projets et de nouvelles idées.

Au-delà de cette contrainte de temps, on ne voit pas vraiment de limite, on expérimente en petites séries. Si on a du temps, il n’y pas de restriction à ce que l’on peut imaginer. Et quand on en rencontre, on peut jouer avec. Si c’est la taille du four par exemple, il y a toujours des moyens de créer des assemblages après par exemple. 

On se voit faire longtemps ce métier même si on aime bien expérimenter et bouger. On ne dit jamais jamais mais, pour le moment, ça fait partie de notre ADN. Il y a tellement de choses à tester, à faire évoluer dans ce milieu, on a hâte de voir la suite.

© Ici l'atelier