Ambassadrice émérite du vin naturel, étoilée pour sa table niçoise Pure & V et depuis peu auréolée du titre de Meilleur sommelier de France, Vanessa Massé méritait bien un hommage. Avec la complicité d’Emmanuel Delavenne, propriétaire de l’Hôtel Amour, c’est loin des mondanités, sur la plage même qu’a lieu l’événement. Parmi ses chouchous, autrices et auteurs de flacons d’exception, invité·e·s pour l’occasion à quitter leurs vignes. Présentations avant la rencontre le lundi 24 mai à Nice.
Ingénieure en bâtiment, tourneuse de groupes britpops, dessinateur-graveur, prof d’histoire-géo ou sommelier, ces néo-vigneron·ne·s n’ont pas attendu des générations pour se plonger corps et âme dans l’aventure du vin. Leur combat ? Bannir les sulfites, bouter les additifs hors des chais et respecter la vigne au plus près des saisons et des phénomènes naturels. Au risque d’abandonner le confort d’un métier tout tracé pour se confronter aux aléas du climat et flirter avec le seuil de pauvreté. Qu’importe. La passion les anime au point de bousculer sans hésiter toutes les certitudes de l’œnologie de papa pour faire renaître le vin en expérience émotionnelle inoubliable, à vivre et surtout partager. Leur chère liberté, ils la gagnent en s’affranchissant des appellations, trop restrictives pour ces puristes en quête de Graal millésimé, en ressuscitant des cépages oubliés ou méprisés, en misant sur des terroirs peu spéculatifs qui laissent encore une place à leur envie d’inventer. Lorsque Vanessa Massé nous parle de ses coups de cœur, les noms et les prénoms font office de passeport pour un monde où le cœur sert d’étiquette. Suivez-les de près, guettez leurs quilles trop rares et réjouissez-vous, le vin est vivant. Alive and kicking même, comme on dit dans la britpop.
Jacques Février (Coteaux d’Ancenis)
Le Raisin à Plume est un drôle d’oiseau, imaginé par cet ancien sommelier passé à tire-d’aile chez les très bons du vin nature, dont Anton Van Klopper de Lucy Margaux. Posé avec sa femme Julie, un jour de 2014, du côté des Coteaux d’Ancenis, où ils font chanter 6 cépages sur 6 hectares : Melon de Bourgogne, Sauvignon, Pinot Gris, Gamay, Abouriou et Cabernet Franc. Frais, francs et gouleyants, des vins coup de cœur et déjà cultes.
Noëlla Morantin (Touraine)
Tournant le dos aux voies tracées du marketing, Noëlla Morantin choisit un jour d’emprunter les chemins caillouteux du vin naturel. Double diplôme viti-œno en poche, consolidé par quelques solides références (Agnès et René Mosse, Marc Pesnot en Loire, Philippe Pacalet en Bourgogne), elle rencontre Junko Araï, propriétaire du Domaine Bois Lucas en Touraine qui lui offre de faire ses classes. Depuis, Noëlla a gardé intact son engagement. Ses vins sont droits et élégants, fins et généreux, conjuguant exigence et liberté, comme le veut la nature.
Adrien de Mello (Layon, Anjou)
De son grand-père quittant le Portugal pour la Bretagne, Adrien de Mello a peut-être hérité le goût de s’expatrier qui le vit successivement au Québec, en Afrique du Sud, en Virginie, avant de revenir au pays, poussé par la même passion qui l’incita au voyage : le vin. D’abord en vallée du Rhône pour apprendre la biodynamie, il se pose au cœur du Layon angevin, en son domaine de la Petite Sœur où les leçons de son apprentissage rejoignent ses convictions. Labellisé AB, Ecocert et Demeter pour la biodynamie, il produit quelques flacons qui, à leur tour, méritent le voyage.
Catherine Dumora (Auvergne)
À Lamontgie, au sud d’Issoire, Catherine Dumora se consacre à son joli Domaine de l’Égrapille, avec un premier millésime réalisé en 2019. Le credo de Catherine ? C’est dans les vignes les plus âgées que se niche le caractère, et tant pis si ce sont celles qui produisent le moins. Résultat : des vins d’exception, rares et lumineux, purs et pleins de vie.
Aurélien Lefort (Auvergne)
Dans sa première vie, Aurélien Lefort, diplômé des Beaux-Arts, était dessinateur, graveur et lithographe. La précision minutieuse de son art se retrouve dans sa façon de faire du vin, un métier que sa passion pour la nature l’a conduit à embrasser. Installé en Auvergne depuis 2011, il suit la voie tracée par ses convictions et sa formation auprès de Michel Auger du domaine les Maisons Brûlées dans le Loir-et-Cher. On dit de ses vins qu’ils sont d’une rare intensité et qu’il vinifie en orfèvre. À vous de juger.
Anne Paillet (Languedoc)
Début 1990, Anne Paillet est la frenchie qui fait tourner Blur, the Verve ou Radiohead en Angleterre. Rentrée en France, elle gagne (très bien) sa vie dans la finance. Mais un jour, elle – qui n’a jamais bu que de la bière – découvre La Souteronne, de l’ardéchois Hervé Souhaut. C’est la claque. Elle part alors en quête de son vin parfait, fruit de toutes les expériences gustatives qu’elle multiplie. Ses productions, elle les réalise sur un mode un peu rock’n’roll : raisins, vinification, macération dans le sud, élevage dans la Loire. Résultat, des vins légers et ensoleillés, réjouissants et pleins d’esprit.
Ivo Fereira (Languedoc)
Taillé pour les grandes maisons et la fréquentation des chefs et sommeliers d’élite, Ivo tombe dans le vin nature, après des vendanges chez Jean-Marc Brignot (parti depuis cultiver des vignes propres en permaculture sur l’île japonaise de Sado). Une épiphanie qu’étayeront une solide formation et quelques voyages, pour se matérialiser à Montpeyroux avec l’Escarpolette. Un micro-domaine revitalisé de main de maître au cœur des terrasses du Larzac.
Romain des Grottes (Beaujolais)
Les vins de Romain Des Grottes sont aux antipodes de ce que laisserait entendre son patronyme : libérés, hors cadre, ouverts à l’expression la plus naturelle et totalement dénués d’intrants et autres additifs. Certifié Agriculture Biologique et biodynamie depuis 2006, le Domaine Des Grottes produit une foule de bonnes choses, tels jus de fruits, céréales (pour le pain et la bière), plantes médicinales (avec l’Elixir-lab de Perrine), primeurs tout aussi biodynamiques cultivés parmi les vignes par un maraîcher résident. Et bien sûr, des vins qui exaltent le fruit, l’acidité, les bulles, les degrés légers, inépuisables compagnons de plaisir, de l’apéro au dessert.
Raphaël Beysang et Emélie Hurtubise (Beaujolais)
De grand-père vigneron et de parents restaurateurs, Raphaël Beysang apprend le métier chez lui en Alsace auprès de Patrick Meyer, puis Jean-Marc Dreyer. En Auvergne, ensuite, où il retrouve Vincent Marie, rencontré chez Meyer qui lui présente Patrick Bouju qui l’embauche. Canadienne d’origine, Emélie Hurtubise est au Japon quand elle rencontre Justine Loiseau, la femme de Patrick Bouju, qu’elle suit en Auvergne où l’attend Raphaël. Vous avez suivi ? Installé sur près de 9 ha travaillés en biodynamie, le couple produit quelques merveilles de Gamay sur une ligne pure et claire. À rencontrer sans tarder.
Sébastien Morin (Beaujolais)
Tous les chemins mènent au vin naturel, même l’électronique. Si Sébastien Morin n’a pas lâché sa société d’informatique, c’est le vin qui le fait vibrer. Sa révélation, il la doit lui aussi à sa rencontre avec Jean-Marc Brignot qui l’a initié à ses secrets et inspiré pour sa propre production. Forcément atypique et exigeante, empreinte de son énergie positive, qui s’exprime dans des vins tout en finesse et profondeur. Son chai est au Château Lacarelle, propriété de la famille de Romain des Grottes. Une grande famille.
Raphaël Monnier et Marie Bourdon (Jura)
De ses années de prof d’histoire-géo, Raphaël Monnier a sans doute retenu le sens de la bonne localisation et la conscience du temps. Lancé bille en tête dans le travail de la vigne, il a fait de Ratapoil (son domaine de poche d’à peine 2 ha à Arc et Senans) une merveille d’agrobiologie d’où il tire quelques quilles d’exception et une belle renommée. Pour palier la rareté de sa production, Raphaël Monnier partage avec Marie Bourdon Avis de Tempête, un projet de négoce rondement mené. À l’abri des vents et des marées, ils vinifient des raisins triés sur le volet en provenance des vignobles de France.
Emilie et Alexis Porteret (Jura)
À cheval entre Arbois et Franche-Comté, le Domaine des Bodines totalise moins de 4 hectares mais des faits d’armes qui en font l’un des fleurons de cette nouvelle grande région vinicole qu’est le Jura. Emilie et Alexis Porteret biodynamisent leurs pieds de Poulsard, Chardonnay ou Pinot Noir en refusant tout intrant, de la culture à la vinification, et peaufinent leur terroir pour obtenir des vins équilibrés, où belles maturités et souplesse sont gage de plaisir (si par chance, l’une de leurs quilles arrive jusqu’à vous).
Thomas Popy (Jura)
Découvrant le Jura en 2014 pour sa formation en viti-œnologie biologique, Thomas Popy, comme beaucoup, en tombe amoureux et décide d’y rester. Déjà briefé par les grands du Beaujolais comme Julie Balagny, Guignier Michel ou Jean-Claude Lapalu, il confirme ses convictions pour le vin naturel lors d’un court passage chez Emmanuel Houillon. Thomas possède aujourd’hui 1,3 ha de vignes, en 3 parcelles distinctes qu’il cultive en biodynamie. En attendant d’obtenir ses certification et d’atteindre 3 hectares de vigne, il continue de prêter main forte à Steve et Céline Gormally des Dolomies.
Arnaud et Malou Greiner (Jura)
Arnaud Greiner incarne la nouvelle génération des vignerons du Jura, avec un engagement et une maîtrise taillée auprès d’autres producteurs jurassiens de renom. Le joli puzzle de parcelles de vignes sur lesquelles lui et sa compagne Malou veillent près du village de Liesle, toutes encadrées de forêts qui les protègent des pulvérisations agricoles, couvre un peu moins d’un hectare. Certifiée biologique par Ecocert, leur production propre à tous égards réservent des plaisirs confidentiels dont la dégustation s’avère un authentique privilège.
Damien Bastian (Savoie)
Horticulteur de formation, expert en maraîchage, Damien Bastian s’installe au Tchad pour y développer des systèmes complexes. Rentré en Europe, il zappe côté restauration à Genève et rencontre l’œnologie. La nature l’appelle à nouveau et cette fois, c’est le vin nature qui lui tend les bras. D’abord en Savoie, chez Dominique Lucas, puis à son compte, sur un mouchoir de poche aux abords du Lac Léman, tout en travaillant chez Anne & Jean-François Ganevat. En 2020, il reprend les vignes de Jean-Marie Chappuis et se pose au Domaine de Marsaz, ancienne cave viticole à l’abandon, à qui il insuffle une nouvelle vie. La même vitalité qui anime ses vins.
Caroline Ledédenté (Bugey)
Ingénieure de formation, Caroline Ledédenté bifurque un jour, quitte Paris et l’architecture pour embrasser la vigne. Au fil d’une quête initiatique, d’abord auprès de nombreux producteurs puis à la faveur d’une formation à l’école de Montmorot, dans le Jura, dont elle sort diplômée avec mention biologique, elle pose ses valises dans le Bugey, petit terroir discret où elle s’investit depuis sans compter dans sa nouvelle vie de vigneronne. Inutile de préciser qu’elle y travaille au plus près de la nature et signe des vins comme autant de bijoux faits mains, rares, vivants et captivants.
Anders Frederik Steen (Côtes du Rhône)
Chef de formation et ancien sommelier de Noma à Copenhague (excusez du peu), Anders Frederik Steen a épousé la cause du vin naturel comme un cuisinier exerce son talent, sans faire allégeance à la tradition du vin, ni à l’acception conventionnelle des régions et des cépages. Il expérimente, au plus près des saisons, du raisin – qu’il cultive sur son micro-domaine ardéchois ou qu’il source auprès de ses voisins du Mazel, Jocelyne et Gérald Oustric, ou de la famille Banwarth en Alsace – pour ne jamais se répéter et laisser la nature le guider, entre soif de découverte et perfectionnisme de passionné.
Sébastien Chatillon (Gard)
Très tôt, Sébastien Chatillon s’est senti loin des études mais proche du vin, comme en attestent de mémorables soirées adolescentes sans fin. Après avoir testé différents plans de carrière, dont celui de chanteur punk, il fait la connaissance de René Mosse en Anjou, qui l’initie au vin nature et aux lendemains sans migraine. Miracle. Fraîchement installé à Paris, c’est encore René qui l’introduit auprès d’Iñaki Aizpitarte au Châteaubriand dont il devient, à 25 ans, le sommelier. En 2016, après 7 ans auprès de l’une des meilleures tables qui soit, Sébastien franchit naturellement le pas pour créer ses propres vins. Cap au sud, à Vallabrix dans le Gard, où il crée Ad Vinum. Une jeune cave déjà riche d’histoire.
Théophile Milan (Côtes de Provence)
D’abord, il y a Henri, le premier à bouter les sulfites hors de Provence et ami de Claude Courtois, le pionnier du vin naturel en France. Ensuite arrive Théophile, le fils, qui veille désormais sur ce magnifique domaine dans les Alpilles. Et suit les traces paternelles qui lui ont montré que le vin n’était pas que technique mais une façon d’accompagner la vigne et d’en tirer le meilleur sans aucun artifice mécanique ou chimique. La typicité de ce terroir, attestée dès 1996 par l’agro-biologiste de référence Claude Bourguignon, et de sa climatologie engendre des cuvées à la fois multiples et singulières.
Pure & Vins à Hôtel Amour à la Plage
Lundi 24 mai 2021, de 9h à 18h
Dégustation et restauration sur place
Entrée 8 € / personne, uniquement sur invitation.
Information : mika@hotelamournice.fr, restaurantpure-v@hotmail.com
Pour retrouver nos vigneron·ne·s (et d’autres encore), poursuivre ce tour de France des vins naturels et savoir où les sourcer, rendez-vous sur le site vinsnaturels.fr
Merci à Vanessa Massé pour son aide dans la réalisation de ce sujet.
