Art de vivre

Lou Calen, ou comment rallumer la flamme

Ressuscité après 20 ans d’oubli, Lou Calen possède un livre d’or où se croisent le passé insoupçonné de Cotignac, village de charme au cœur de la Provence Verte, des figures amies du monde de la politique et des arts accueillies comme à la maison par Huguette Caren, maîtresse des lieux et cuisinière émérite. Une histoire vivante dont Graham Porter, le nouveau propriétaire, s’emploie à perpétuer le plaisir dans une approche éco-responsable et un écosystème dynamique, mêlant art, gastronomie, événements festifs et chaleur humaine.

Épisode 1. Ressuscité avec éclat après 20 ans d’oubli, l’Hôtel Lou Calen doit son destin hors norme, certes à un investisseur canadien éclairé, mais surtout à trois livres.

Le premier, historique, recense le passé étonnant de Cotignac, havre de charme en Provence verte, la communauté du néolithique et ses habitations troglodytiques, que l’on devine encore dans les anfractuosités de la falaise qui garde le village, les apparitions successives de la Vierge Marie et l’Enfant Jésus en 1519, puis de Joseph en 1660, le pèlerinage de Louis XIV ou le concert de Joe Dassin en 1968.

Le second, non moins prestigieux quoique couvrant tout juste 3 décennies, consigne les noms et taxes de séjour d’Yvonne De Gaulle, qui y séjourne tout un mois en 1972, Alain Poher, président du Sénat qui s’y pique de jardinage, Eric Idle, en vacances des Monty Pythons, et autre VIP en goguette, sans oublier bien sûr les frères Young (AC/DC), Robert Smith (The Cure), David Gilmour et Roger Waters de Pink Floyd (quand ils se parlaient encore), ou encore Georges Michaël et Andrew Ridgeley de Wham (y auraient-ils trouvé l’inspiration pour Wake me up ?), bref, la crème des musiciens de l’époque incognito, venus enregistrer aux Studios Miraval à quelques kilomètres de là.

Quant au troisième livre, il contient toutes les recettes d’Huguette Caren, figure tutélaire qui inventa Lou Calen première génération, en rachetant aux sœurs de Saint-Vincent de Paul leur maison de vacances pour orphelines. Solaire, communicative, elle sait qu’une bonne table fera plus encore que le confort de ses chambres pour la notoriété de son établissement. Et de fait, il faudra deux ans à peine pour que la rédaction de Gault & Millau, conviée en catimini par l’attaché de presse de l’Hôtel de Paris à Monte-Carlo, habitué des lieux, sacre Lou Calen meilleure table de France. Lou Calen peut alors s’exporter en Californie, Huguette s’étant laissé convaincre par son ami Joe Dassin au prétexte que “L’Amérique, l’Amérique, si c’est un rêve, je le ferai.” Les années auront raison de ce rêve américain, comme de Lou Calen, version originale, confronté à des travaux de mise aux normes insurmontables à l’orée des années 2000.

Épisode 2. Depuis qu’il venait enfant en villégiature à Cotignac, Graham Porter a réussi dans les affaires. Il y a naturellement acquis une maison, tout comme Joe Dassin avant lui, et nostalgique des belles années de Lou Calen, décide un jour de lui redonner vie, mais sûrement pas comme un nouveau resort de luxe hors sol. L’homme a du flair. Cotignac entre dans l’association des Plus Beaux Villages de France et les Studios Miraval reprennent du service sous la direction de Brad Pitt et Damien Quintard. Lou Calen deuxième génération peut donc se déployer avec une ambition bien tempérée, loin des standards rutilants de l’hôtellerie internationale, en retrouvant intacte chaque once de son âme. Naturelle, généreuse, amicale, pétillante de talent et amoureuse de la vie.

Autour de la bâtisse historique s’ajoutent de nouvelles dépendances, villa, pigeonnier, bastidon qui portent à 36 le nombre de chambres sur plus de 3 hectares aménagés dans le plus grand respect environnemental. Un centre d’art y accueille des expositions, une micro-brasserie fait mousser les bons moments, un bar à vin y distille les bonnes quilles de Didier. Quant à son restaurant, rebaptisé d’un voltairien Jardin Secret, il a la bonne idée d’accueillir le chef Benoît Witz, croisé quelques années plus tôt à l’Hôtel Hermitage de Monte-Carlo. L’étoile verte qu’il arbore, acquise en mars dernier pour sa manière modeste et géniale de sublimer les cueillettes du potager et les meilleurs produits du terroir provençal, suffit à confirmer qu’il est à la hauteur de la légende des lieux.

La flamme qui anime de nouveau Lou Calen (nom de la traditionnelle lampe à huile de Provence, ndlr) a refait du domaine un épicentre de vie, écosystème vibrionnant où se croisent producteurs choisis et amis du cru, voyageurs avisés, clients locaux accueillis en voisins et VIP sans façon. Cet hiver (toutes les actualités en détail ici), on pouvait s’y retrouver pour le rituel du cavage de la truffe, une masterclass en cuisine, des ateliers d’initiation à la céramique, une balade botanique ou une expérience de méditation en harmonie avec la nature. L’été indien, quoi qu’en dise Joe Dassin, est tout aussi désirable que l’hiver, le printemps ou l’été à Lou Calen. À une heure du littoral comme des gorges du Verdon, il mérite une balade avant, si le cœur vous en dit, d’aller siffler sur la colline.

Le Bastidon @HerveFabre - Pétanque sur le domaine @HerveFabre