Art de vivre

Trésors Publics. Patrimoine national vivant  

Toute la France est envahie par la fast fashion et l’industrie mondialisée. Toute ? Non. Comme autant de petits villages gaulois, des manufactures historiques continuent contre vents et marées de perpétuer un savoir-faire ancestral et une qualité inaltérable. Chaque mois de janvier, Nicolas et Antoine parcourent la France à leur rencontre pour reconstituer notre patrimoine domestique national. Un bien commun devenu si riche qu’ils ont dû offrir un nouvel espace à leurs Trésors Publics.

Le Grand Tour, en vogue aux XVIIe et XVIIIe siècles en Europe, réunissait esthètes et artistes dans un voyage initiatique aux sources de l’art de leur temps – en particulier, en Italie – notion que l’on connaît aujourd’hui sous sa forme hélas massive et dévoyée de tourisme en short. Le Tour de France, dans sa version pédestre s’entend, qualifie l’itinérance qu’exige la formation des apprentis artisans dans la perspective du compagnonnage et dont la tradition remonterait selon l’Ancien Testament à l’édification du Temple de Salomon.


Il y a un peu de ces deux tours dans celui qu’accomplissent chaque année depuis 2017, qu’il vente ou qu’il neige, Antoine Bourassin et Nicolas Barbero. Emmitouflés de la tête aux pieds (nous sommes en janvier), les deux azuréens partent sillonner les nationales, départementales et autres chemins vicinaux de France et de Navarre (pendant que d’autres partent skier) à la rencontre des savoir-faire ancestraux et des ateliers qui les perpétuent contre vents économiques et marées délocalisatrices. Croisière en terra souvent incognita, croisade pour le fabriqué en France, leur scrupuleuse exploration de contrées souvent arides (malgré leur abondante pluviométrie) les voit parfois atteindre le Bout du Monde ou le Creux de l’Enfer (c’est à Thiers, dans le Puy-de-Dôme, vous pouvez vérifier), sans que leur détermination ne soit en rien entamée. Et de la détermination, il leur en faut. Pour convaincre des manufactures centenaires de leur livrer quelques pièces de leur parcimonieuse production, braver l’obscurité, voire l’hostilité de maisons à l’heure crépusculaire, jalouses de leurs secrets de fabrication, ou simplement, garder patience lorsque ladite maison ne compte plus que quelques âmes et doit parer au plus pressé.


Mais, qu’on se rassure, leurs efforts sont récompensés. En témoigne la nouvelle adresse de leur très justement nommé Trésors Publics. Un lieu d’histoire comme Nice en compte peu et dont les espaces mettent en majesté la miraculeuse collecte d’Antoine et Nicolas. Exclusivement composée d’objets familiers, qui peuplent la mémoire collective ou n’attendent que d’y retrouver leur place, fabriqués en France suivant une forme indépassable, une technique et un savoir-faire immuables. Une collection enchanteresse du quotidien auquel elle confère la patine d’un charme intemporel. Art de la table, coutellerie, jeux, objets usuels ou décoratifs, savons, bougies et parfums, textile, tout participe à la joyeuse composition d’un idéal de vie contemporain. Car, si ces objets ont traversé le temps sans disparaître ni prendre une ride, c’est sans doute qu’ils sont supérieurs à ceux que produit aujourd’hui l’industrie de masse apatride.


Mieux, Antoine et Nicolas, dans leur engagement inconditionnel pour le savoir-faire français, ont noué des liens suffisamment forts avec ces manufactures régionales pour réaliser avec elles quelques collab’ en édition limitée qui prouvent que le patrimoine qu’elles représentent est résolument vivant. Ainsi, pépite entre les pépites de Trésors Publics, le bleu de travail, bijou de coton léger confectionné par les talents associés d’artisans français. Tissu de Mayenne, boutons en corne tournés et gravés dans le Jura, étiquette tissée à Troyes, où il est fabriqué. Icônes des plages oubliées, les méduses, qui avaient déserté le paysage industriel français pour une fabrication au Maroc, font un retour au soleil par la grâce d’une collab’ made in France avec Trésors Publics. Et qui matcheront à merveille avec leur haut de plage exclusif Le Minor. C’est à l’occasion de l’un de leurs tours de France qu’Antoine et Nicolas font la découverte d’un lot de tissu dormant, qu’ils décident aussitôt de valoriser avec la maison bretonne, entreprise textile dont l’origine remonte à 1922. Née en 1860 d’une coopérative de paysans de Normandie, l’entreprise FILT connaît depuis la fin des années 2000 un nouvel envol avec la redécouverte de ses inimitables filets dont Trésors Publics propose une version exclusive, limitée à 500 exemplaires, qui associe lurex doré à la Yves Klein et bleu Matisse. Ou encore, le linge de table et d’office Charvet 1866 qui signe une collab’ ensoleillée pour Trésors Publics avec serviette, set de table et torchon brodés « Sous les galets, la plage ». Sans oublier, le panier Birkin en osier. 10 modèles par an, pas un de plus, réalisés par une osiéricultrice-vannière du Périgord pour Trésors Publics en mode vertical, depuis la culture de l’osier jusqu’aux finitions de ce bijou d’élégance naturelle.
Dans son nouvel espace du 18, rue de la Préfecture, Trésors Publics redonne plus que jamais du sens à la notion du bien commun, à partager ou offrir pour quelques euros. Comme en écho à la mémoire de cette adresse, autrefois le 1, rue de la Lumière, infusée de l’esprit des Lumières et de la Révolution française et jadis propriété de Charles Lauberg, président de l’éphémère République de Naples aux idéaux démocratiques. Il n’y a pas de hasard.

Nicolas Barbero et Antoine Bourassin © Marie Genin / Feuilletons