Elles ont tout planifié de A à Z. Quatre jeunes Marseillaises transforment la lutte contre le gaspillage alimentaire en une réalité sociale joyeuse qui fait reculer la faim, l’exclusion et avancer le goût des autres. Cantine végétale, solidaire et abordable, rencontres, ateliers, pop-up stores ou soirées DJ, le 117, boulevard de la Canebière est devenu en quelques mois à peine le nouveau cœur battant de Marseille.
Il arrive que la conscience nous fasse abandonner un rêve pour en faire naître un plus grand encore. Destinées à évoluer dans le monde de l’art, de la culture et de la communication, quatre jeunes Marseillaises acceptent un jour de se confronter à une réalité qu’elles ne peuvent plus ignorer. En France, 1 personne sur 5 a du mal à se nourrir. Pourtant, 10 millions de tonnes de nourriture sont gaspillées chaque année, ce qui représente en gros 18 milliards de repas et la bagatelle de 15,3 millions de tonnes de CO2 (sources Ademe et Le Monde).
La question est planétaire, où 1 produit alimentaire sur 3 est jeté avant d’atteindre une assiette, mais Carine, Ilia, Sophie et Zoé décident qu’elles peuvent agir concrètement au cœur même de Marseille. Fortes d’un engagement associatif, d’une expérience sur le terrain et d’un projet généreux, elles remportent un appel d’offres de la Ville et se voient confier les clés du 117, boulevard de la Canebière, en haut de l’artère emblématique de la cité phocéenne, au niveau du square Léon Blum. Murs bruts décrépis, déco upcyclée, esprit ouvert et énergie inépuisable, en juin 2023, Le Plan de A à Z est prêt à se dérouler. Et comme son nom l’indique, elles ont pensé à tout.
À l’origine est La Cantina. Association créée par Ilia, rejointe par Sophie, elle transforme les invendus, récupérés auprès de surfaces alimentaires et structures partenaires, en repas alléchants et nomades qui régalent tiers-lieux et festivals. Sédentarisée au PAZ (le Plan de A à Z), elle alimente désormais une carte d’obédience végétale, solidaire et formidable, où rien n’est jeté ni à jeter, et à savourer du matin jusqu’au soir, 7 jours sur 7. Le tout à des prix qu’on avait oubliés : 2,50 € le pur jus frais pressé, 8 € le plat, 16 € le brunch du week-end, une cuisine élaborée à la fortune du jour, copieuse et roborative, autour de laquelle on se retrouve joyeusement pour partager, en intérieur ou en terrasse, la bonne vibe d’une société qui renaît. Et pour les plus généreux, offrir un café ou un plat suspendus qui feront le bonheur des plus défavorisé·es.
Le soir, la carte voyage au gré d’invitations, où des chef·fes de tous horizons s’installent aux commandes, ou de thématiques comme les soirées bouillon parisien du samedi et dimanche soir. Ici, la solidarité s’exprime jusqu’au plan professionnel, la cuisine s’ouvrant à des expérimentations, pour tester sans investissement lourd de nouveaux projets de restauration, ou des ateliers d’insertion. Le lieu sert aussi de quartier général au triage de la collecte des invendus alimentaires qui non seulement fournissent les besoins de la table maison mais sont aussi livrés à vélo par Les Coursiers Solidaires à d’autres cantines de la ville.
Les différents espaces qui se distribuent sur les 200 m2 du PAZ lui permettent de proposer depuis l’ouverture un programme protéiforme de rencontres et d’événements festifs. Ateliers créatifs, pop-up stores et marchés de créateur·rices, expos d’art et résidences, showcases intimistes, concerts, DJ sets et autres événements surprises font du PAZ un véritable lieu de vie culturelle capable avec simplicité et générosité de combler tous les appétits. Non un concept de restauration trendy mais un melting pot éminemment humain fondé sur l’égalité et la fraternité. Deux indices pour s’en convaincre. La structure qui pilote le PAZ est une SCOP, forme juridique qui permet une gouvernance horizontale et un partage équitable de la valeur produite. Et la cantine ne prend pas les réservations, pour laisser à chacun·e la chance de pouvoir passer et trouver sa place. On notera enfin, surtout les hispanophones, que PAZ (le Plan de A à Z) signifie la paix, peut-être la plus belle chose qui puisse arriver au cœur de Marseille. Léon Blum serait fier d’elles.
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