Art de vivre

Motel Les Cabanettes, à réserver pour un retour vers le futur

Style international en plaine camarguaise, modernisme au parfum tropical, il est un motel entre Arles et les Saintes-Maries de la Mer qui transporte ses voyageurs dans un délicieux futur antérieur : Les cabanettes. Aux commandes, un jeune couple enthousiaste. Exploration.

L’histoire naît d’une belle rencontre, comme toujours. 1960. Les époux Berc, propriétaires du Globe, hôtel de renom à Saint-Gilles-du-Gard, cherchent à rénover leur restaurant mais peinent à trouver l’architecte qui les comprend. Un nom leur est soufflé : le marseillais Armand Pellier, sculpteur, décorateur, architecte autodidacte et brillant. Son projet les emballe, ils ne se quitteront plus. Entreprenants, Louise et Marc Berc confient à Pellier leur grand projet visionnaire : concevoir un complexe de loisirs nouvelle génération en pleine nature. Une quinzaine de chambres, une bonne table, une piscine et des équipements sportifs. Et surtout, une carte blanche à l’architecte qui dessine tout de A à Z. Vue d’oiseau, l’architecture en arc tendu évoque un coquillage ou un œil dont l’iris bleu azur ferait office de piscine. Les couloirs sans point de fuite, les murs extérieurs en pierre blonde du Gard, dont Pellier relance l’exploitation avec comme client Fernand Pouillon lui-même, les têtes de lit intégrées plaquées bois d’olivier, les fauteuils et tabourets en corde tressée, les chaises à l’assise singulière en poil de taureau, chaque détail est soigné, dessiné, pensé pour le lieu au diapason de la nature environnante. La ligne courbe des bâtiments, clin d’œil aux automobilistes qui font la route entre l’Espagne et l’Italie, sert aussi de protection face au mistral et offre à chaque chambre une intimité sans aucun vis-à-vis. Armand Pellier construit un nouveau bâtiment en 1977, portant la capacité des Cabanettes à 29 chambres, ainsi qu’une villa privative pour les époux Berc dont la fille reprend la gestion de l’hôtel avec son mari durant de longues années. Fin de l’épisode un.

Juillet 2019. June, Elya, Gaëlle et Aaron posent leurs valises dans le bel appartement attenant à la réception, celui réservé à la direction de l’hôtel qu’ils viennent juste de reprendre avec une certaine fébrilité. Si leur histoire d’hôteliers commence à Brooklyn et les conduit aux Cabanettes après une escale à Draguignan, ils ont bien d’autres choses dans leurs bagages. Années 2000 à Barcelone. Gaëlle AKA Gaïa fait un pari pour l’anniversaire d’un ami : créer un girls’ group. Elle achète une guitare, apprend trois accords et enregistre un morceau qu’elle poste sur MySpace. La fraîcheur de la pop lo-fi des 3 filles et, sans doute, les paroles en catalan attirent l’attention du label new yorkais Captured Track qui les signe et les invite illico en studio. S’ensuivent pour Gaëlle et son groupe Aias quelques années excitantes, d’enregistrements – il faut écouter l’album A la piscina, prémonitoire – de tournées internationales et de rencontres aussi, avec Aaron, lui-même bassiste et spécialisé dans le transport d’œuvres d’art. Aujourd’hui, une nouvelle énergie s’apprête à revivifier les Cabanettes, mariant Oscar Niemeyer, David Hockney et les Vivian Girls sous le soleil de la Camargue. Autant dire, un autre genre de carte postale, une expérience à venir découvrir très vite avant qu’elle soit sold out.
lescabanettes.com

Initialement publié dans Marie Claire Maison Méditerranée