Art de vivre

Mirazur Menton : trois étoiles et zéro plastique

Au firmament de la gloire, le chef Mauro Colagreco du Mirazur a discrètement engagé toute son équipe dans la quête du zéro plastique. Mission impossible ?

Pour Mauro Colagreco, impossible n’est pas français. Encore moins italo-argentin, si l’on se réfère à ses origines. En 2019, son restaurant est élu meilleur du monde et le Guide rouge lui décerne une 3e étoile. Comme si cela ne suffisait pas, l’équipe s’impose des contraintes drastiques pendant 2 ans pour relever un défi beaucoup moins glamour – en apparence : l’obtention de l’exigeante certification Plastic Free. En février dernier, après moult audits et conseils, Le Mirazur devient le seul restaurant au monde à décrocher ce label. Et si les médias se sont empressés de relayer l’annonce, ils ne se sont guère penchés sur les dessous de l’affaire. Luca Mattioli, sous-chef de Mauro, qui a porté à bras-le-corps l’opération, répond à notre déluge de questions.

Comment une entreprise de 60 personnes, habituée à filmer la nourriture à tout va et à recevoir des tonnes de denrées emballées a-t-elle réussi le défi du 0 plastique ?

Luca Mattioli : Par un vrai travail de sensibilisation de l’équipe. Pour être franc, le plastique à usage unique est éradiqué mais nous cherchons encore la solution miracle pour bannir totalement ce matériau.

Quelles ont été vos premières actions ?

LM : Nous avons analysé nos habitudes et réfléchi à ce qui pouvait être amélioré ou supprimé. Déjà, imposer à nos fournisseurs des emballages recyclables – il a fallu parfois se montrer intraitable – mais tous ont joué le jeu. Les pêcheurs eux-mêmes nous livrent à présent dans des boîtes conçues sur mesure. Ensuite, se passer de film étirable – un vrai défi. Nous utilisons des bacs en inox de différentes tailles et testons un film alimentaire compostable en cire d’abeille, que nous réservons pour l’instant aux préparations froides. Résultat ? 10 000 km de film plastique en moins par an.

Pouvez-vous nous donner d’autres exemples concrets ?

LM : Les pipettes et les poches à douille font partie des éléments difficiles à supprimer. Nous en jetions des quantités avant de les remplacer par des doseurs en inox et des poches en coton lavables. Ce n’est pas tout : en utilisant des matières bio-dégradables, nous avons éliminé 300 kg de gants jetables par an, 600 emballages sous vide mensuels et 15 sacs poubelle par jour. Les vestes des cuisiniers, elles, reviennent du pressing dans des housses en tissu.

Forcément, cette ré-organisation a un coût…

LM : … mais d’énormes retours en termes de communication et de qualité, comme tout choix éthique. Une fois les choses en place, ça coûte moins cher car on ne rachète plus. En prime, on protège la planète et le futur de nos enfants.

Avez-vous aussi développé des stratégies anti-gaspillage de nourriture, d’énergie ?

LM : Nous essayons depuis longtemps de ne rien jeter. Les carcasses de viandes, de crustacés deviennent sauces, les épluchures de légumes, des bouillons. Le surplus va au compost qui nourrit nos potagers.

Ces efforts collectifs ont-ils amené les salariés à changer leurs habitudes personnelles ?

LM : Timidement, mais quand on se retrouve sur des événements à l’étranger où cette pratique n’existe pas, ils réagissent.

D’autres chefs vont-ils vous imiter ?

LM : Emmanuel Renaut, Yannick Alléno ou David Toutain sont très motivés par ce challenge.

Votre chef a – discrètement – ouvert une pizzeria sur le port de Menton. Y appliquez-vous la même éthique ?

LM : Nous y travaillons. Ces démarches nécessitent une vraie réflexion, les résultats ne sont pas immédiats.

Des conseils à nos lectrices et lecteurs ?

LM : Stocker les aliments dans des boîtes en inox, en verre, privilégier le vrac, faire ses films alimentaires avec des chutes de tissu et des pastilles de cire… Au Mirazur, nous nous posons 5 questions face au plastique : Ai-je besoin de l’utiliser ? Y a-t-il une alternative en matière compostable ? Est-il recyclé, recyclable ? Où finira-t-il une fois jeté ? Au fond, en ai-je vraiment besoin ? L’astuce aide à faire des choix.

Restaurant Mirazur
30, avenue Aristide Briand, 06500 Menton, 04 92 41 86 86, reservation@mirazur.fr
mirazur.fr

En savoir plus sur Plastic Free : plasticfreecertification.org