Dans les ateliers de Fayence, mouchoirs de poche et de pierre, les villages observent de loin l’agitation du monde. Se couler dans l’ombre des ruelles, n’importe laquelle, se perdre jusqu’à découvrir un signe. Atelier(s). Ils vivent, travaillent et s’affairent, mus par l’évidence d’une tâche à accomplir, humble et essentielle, sans céder à la mode, juste parce qu’il faut le faire et qu’on l’a toujours fait. Comme à l’époque antédiluvienne où les réseaux sociaux n’existaient pas, le lien social, le vrai, se fait par transmission orale. Et les parcours, par le bouche-à-oreille.
Début du voyage chez Émilie. Une jolie boutique atelier de Seillans créée quelques décennies plus tôt par Sylviane, sa maman. De formation artistique classique, côté céramique, Sylviane s’amourache de sérigraphie, lance son atelier textile et vend ses créations faites à la main. Raclette, écran, sourire, Émilie parachève la réalisation d’un joyeux drap de plage en nous parlant technique – vous voyez l’imprimé de cette robe, il faut plus de 20 passages pour le réaliser, des heures de travail – ou intime – j’ai une bibliothèque de tous les motifs depuis le début, dont certains dessinés par ma fille. Une cliente, la magie s’envole mais pas le lien – voilà une cliente hollandaise, elle revient chaque année.
Avant de nous laisser, Émilie s’inquiète : vous allez voir Fabienne ? Direction l’ancienne bouchonnerie du village où sont regroupés plusieurs ateliers d’artistes et artisans d’art. Venue de la mode, Fabienne a suivi la trajectoire inverse de Sylviane, et exercé sa formation classique à l’art de la terre cuite. Un élégant travail de réécriture des motifs traditionnels de décoration murale, d’inspiration méditerranéenne et végétale. Réalisé à la main selon un procédé d’estampage très ancien, chaque carreau porte la marque de l’artisan, inlassablement reproduite mais toujours unique. Présence incongrue dans l’atelier, un écran d’ordinateur nous permet de voir les réalisations de Fabienne dans les plus belles maisons et jusqu’en Sicile. Sur les images, il semble qu’un peu de la douceur tranquille de la créatrice se soit déposée dans les intérieurs et les extérieurs de ses commanditaires. Frappant aussi de voir que son art s’accorde à tous les styles, même les plus contemporains, signe qu’il transporte avec lui une forme de vérité définitivement intemporelle.
Sacrifiant au rituel initiatique voulu pour notre dérive parmi les villages perchés du Pays de Fayence, Fabienne nous glisse une adresse et un nom : Anne, place de la mairie à Tourrettes. La doreuse de graminées. Comme née d’un conte pour enfants, la jeune femme nous apparaît, le visage constellé de poussière d’or. Une fée clochette dont la boutique merveilleuse recèle une foule de trésors, oursins, insectes, branches et divers végétaux, habillés de feuilles d’or. Doreuse sur bois de formation, Anne habitait une cabane en pleine nature en attendant son atelier. Pour ne pas perdre la main, elle transforma en or tout ce qu’elle toucha. Et l’histoire commença. Objets de décoration fragiles, nés de la rencontre poétique entre la modestie d’un herbe folle et l’or venu l’immortaliser, bijoux délicats et bientôt couronnes de mariée, Anne rêve, expérimente, produit une foule de petits bonheurs lumineux.
Impressions maison
Émilie Volkar et Sylviane Leibovitz
sérigraphie sur tissus à la main, bijoux, senteurs
9, rue de l’Église, Seillans, 04 94 76 98 99, boutique-seillans.fr
Atelier des Couronnes
Fabienne Pesenti
carreaux et frises de terre cuite, ancienne bouchonnerie
Seillans, 04 94 76 00 62
Anne Brun Atelier
dorure à la feuille
Place de la Mairie, Tourrettes, 06 45 97 51 26, annebrunatelier.com
Itinéraires Céramique
Sara Susini
adorable et talentueuse directrice de l’atelier-boutique
2, rue de Lyle, Callian, 04 89 71 03 34
Le Pays de Fayence rassemble plus de 60 artisans et métiers d’art, paysdefayence.com.
Initialement publié dans Marie Claire Maison Méditerranée
