Art de vivre

Êtes-vous bien dans votre assiette ?

De scandales médiatiques en bonne conscience green, à quelles étiquettes se vouer quand on veut être sûr de ce que l’on mange ? Enquête de terrain à Nice avec quelques experts sérieux.

Carnivore responsable 

Appelez-les Duroc de Fontenille. Des cochons forestiers plus sauvages que nobles et néanmoins exceptionnels car élevés en plein air sur le principe du sylvopastoralisme. “Quand je commande, je ne sais jamais ce que je vais avoir car il faut encore que Frédéric {Herraiz, l’éleveur} attrape la bête. Des fois, il lui faut des heures.” Si José Gimenez est intarissable sur le porc de Fontenille, la poule noire d’Astarac Bigorre, l’agneau Allaiton triple A ou le porc Manex, ce n’est pas sa formation de chanteur d’opéra qui s’exprime mais la passion d’un boucher de tradition.
Depuis 3 ans aux côtés de René Puharré à la Charcuterie Italienne (sic), il fait partager ses coups de cœur pour de petits élevages, triés sur le volet et sourcés en direct. Demandez-lui de vous conter la bazadaise, fierté bovine française, ou la Noire d’Astarac – la fameuse poule au pot d’Henri IV qui a bien failli disparaître et qui est élevée 180 jours en plein air, quand la plupart des poulets fermiers atteignent à peine 80 jours. Tatoué et fan de hard rock, José n’en est pas moins sensible à la question du véganisme et de la maltraitance des animaux. “Vous croyez qu’un éleveur qui passe plus de 10 ans de sa vie avec une bête qu’il appelle tous les jours par son prénom la voit partir de gaîté de cœur ?”
La solution ? Manger moins mais manger mieux.

Charcuterie Italienne, 40, rue Bonaparte, Nice, 04 93 89 72 52

Santé

“Si c’est pas bon, on ne le vend pas.” lâche Olivier Henique, le complice caviste à quelques mètres de là. Pourtant, la cave Caprioglio qu’il codirige avec son beau-frère Julien recèle jusqu’à 1 000 références, du vin de pays à la tireuse – c’est l’une des deux seules caves à le proposer encore à Nice – jusqu’aux plus grands crus classés. Lieu historique de la Ville, ancien couvent transformé en cave en 1910, c’est une institution qui a su garder son âme, sourire, conseil et savoir-faire depuis 4 générations, nonobstant les modes et le tourisme de masse. Le secret, c’est l’amour du métier et le respect du client. Pourquoi un sympathique jaja à 5 euros ne mériterait-il pas quelques instants d’explication sur son pédigree ?
Chez Caprioglio, on traque sans relâche les petits vins de propriété bien travaillés, qui mettront, bio ou pas, la qualité à la portée de tous. Car l’entreprise, gérée en bon père de famille depuis des décennies, possède le cash flow nécessaire pour bien négocier les prix et en faire profiter ses clients. Populaire donc, au bon sens du terme. Et parce qu’il possède la patine naturelle des ans, l’endroit n’a pas besoin de céder à la vogue du néo-vintage pour être crédible. Juste sincère et humain. In vino veritas.

Caves Caprioglio, 16, rue de la Préfecture, Vieux-Nice, 04 93 85 66 57

De la ferme aux familles

Initier une nouvelle façon d’aimer le fromage, c’est le credo de Laurent Viterbo. Prenant la suite de son père dans l’entreprise familiale, il a créé Lou Froumai, la fromagerie la plus hype du Vieux-Nice, et – coup de maître – lancé lefromage.fr sur le web pour prêcher la bonne parole à travers le monde. Jusqu’à 200 références, chinées chez les petits producteurs, découvertes au gré de ses voyages et parfois soufflées par l’ami affineur, consultant préféré des plus grands chefs de la région.
Prosélyte du fromage fermier au lait cru, Laurent allie avec une facilité déconcertante la connaissance du produit authentique et les techniques du marketing, aussi à l’aise dans l’art de manipuler le chèvre cendré pour garantir son moelleux parfait, que pour animer son blog qui sent bon le terroir. Marketing, d’accord, mais pour la bonne cause. Ici règne le respect de la saisonnalité et de la qualité. De l’exigence au plaisir, une ligne de conduite que Laurent résume en paraphrasant Phil Knight : “Just eat it.”

Le Fromage, 25, rue de la Préfecture, Vieux Nice, 09 51 00 19 22, lefromage.fr

Back to nature

Puisque de vin il s’agit, Sébastien Perinetti du restaurant Le Canon se pose en chantre du naturel. “Les clients ne sont pas encore habitués mais ça vient.” Comme une éducation à refaire. On ne boit pas impunément de vins sulfités pendant des années. Le travail des producteurs s’affine. “Je reviens de Copenhague où j’ai découvert un vin formidable fait à Oppède dans le Vaucluse.” Un comble. “Les scandinaves sont très en avance. Ils font leur propre mozza, leur charcuterie et sont très au fait de tout.”
N’est-il pas temps pour nous, Français, Méditerranéens, de se réapproprier notre propre culture ? “Avant, la Plaine du Var était le grenier de la région. Maintenant, il faut aller jusqu’à La Brigue pour trouver une communauté de jeunes agriculteurs bio.” Pourtant, ce ne sont pas les vocations qui manquent mais les moyens. Trouver des terres, financer son projet, traverser les mauvaises saisons, l’avenir dépend du soutien qu’apporteront pouvoirs publics et consommateurs à ces néo-éleveurs et producteurs courageux. Sébastien conclut : “Je ne fais jamais de menu enfant, je préfère leur faire de petites portions et qu’ils goûtent à tout.” Histoire d’apprendre le vrai goût de la vie. C’est sûr, demain sera meilleur.

Restaurant Le Canon, 23, rue Meyerbeer, Nice, 04 93 79 09 24

Article initialement publié dans Marie Claire Méditerranée