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Ibeliv. Il était une foi. 

Ses collections de chapeaux, sacs et accessoires en raphia de Madagascar connaissent un succès grandissant. Cultivant un artisanat d’art ancestral, Ibeliv est née il y a 10 ans pour devenir, plus encore qu’une entreprise à impact, une véritable marque d’espoir et d’avenir. Rencontre avec celui qui l’a rêvée, Liva Ramanandraibe.

Quand j’ai quitté Madagascar pour partir étudier en France, ce fut un arrachement.” De cet épisode douloureux, Liva ne semble finalement pas avoir souffert outre mesure si l’on en juge par la belle trajectoire ascendante de son entreprise Ibeliv qui fête tout juste ses 10 printemps en Provence. “La France m’a tout donné”, précise-t-il d’ailleurs sans ambages. Mais en homme sensible qui place l’humain avant toute chose, il a décidé que ce déchirement ne serait plus une fatalité sur son île natale. 

Lancé en mars 2022, son projet d’école Ibeliv Garden se développe sereinement, comme une jeune pousse le ferait dans cet environnement luxuriant – “un vrai paradis caché, où 80% de la végétation est endémique”, assure Liva – pour arriver bientôt à maturité. Toiture et gros œuvre achevés, il reste désormais à aménager les espaces intérieurs et recruter l’équipe pédagogique de l’établissement qui accueillera au plus tard le 8 mars 2025 ou, pour une floraison précoce qui sait, en septembre prochain, un centre d’éveil dédié aux enfants en bas âge. Inspiré des principes de l’école Montessori et d’autres modèles où l’enfant est au centre, il se veut l’école de la conscience écologique et d’un regard ouvert et positif sur le monde. Une chance pour Madagascar ? Liva en est convaincu et finance ce projet 100% privé avec les bénéfices issus d’une collection capsule réalisée en collab’ avec Véronika Loubry et un complément en fonds propres sur lequel le créateur ne s’étend pas. Conscient que son succès lui donne, en retour, la chance d’imaginer ce projet en autonomie, comme de gouverner son entreprise en toute liberté, et désireux de ne pas en faire étalage, préférant mettre en avant les savoir-faire dont sa maison s’enorgueillit plutôt qu’un engagement militant qui nourrit pourtant le storytelling de tant de marques aujourd’hui. 

Cette attitude honore d’autant plus ce patriote déclaré, qui entend donner une image positive de Madagascar et des perspectives d’avenir à ses concitoyen·nes. Ce en quoi il réussit déjà plutôt bien. Dans les ateliers Ibeliv travaillent 2 000 femmes qui perpétuent et transmettent les techniques artisanales vernaculaires de crochetage du raphia qui font le succès international des produits de la maison. “Ma famille”, comme le glisse Liva. Il n’a certes pas oublié que c’est à sa mère, Tiana, qu’il doit son esprit entreprenant et son indépendance. Depuis 3 ans, c’est auprès d’une autre catégorie professionnelle qu’il s’investit. Sur 35 hectares, ce patron de mode a aussi entrepris de planter chaque année 6 000 palmiers raphia de l’espèce malgache endémique et noue l’un après l’autre des partenariats avec les villageois pour l’exploitation de sa précieuse matière première. Ni assujettissement ni assistanat, son modèle de partenariat est calibré pour créer, à l’image de ses ateliers, de l’emploi qualifié et des perspectives professionnelles réellement épanouissantes. 

S’il refuse de choisir une nationalité pour sa marque, qu’il déclare volontiers intemporelle et sans frontière, Liva demeure un inlassable ambassadeur des savoir-faire malgaches et s’emploie à faire naître des vocations sur son île. Un élan collectif qu’il envisage comme une vague tranquille, apte à porter durablement des valeurs positives d’accomplissement et d’humanité. Avec la calme assurance d’un homme habité et qui croit en ses rêves, comme en atteste sa marque manifeste Ibeliv, il jette sur cette première décennie d’entreprise un regard modeste avec la conscience désarmante qu’elle est faite pour durer 300 ans. Une échelle du temps en harmonie avec la force naturelle qui émane de Madagascar et dont notre homme semble le reflet bienveillant.

À gauche : la maison des savoir-faire Ibeliv à Madagascar. Au centre : dans une exploitation de raphia partenaire. À droite : les artisanes malgaches à l'ouvrage. © John Lander