2020. François Siffrein Blanc, réduit à l’inaction par la pandémie dans son showroom de mode marseillais, cherche une idée mode pour accessoiriser ses silhouettes. Inspiré par un besoin de légèreté, d’amour et de fun, il choisit de renouer avec l’esprit des années 70 et le style suédois en imaginant une collection de sabots un peu folle baptisée Hööf.
Mars 1811, Nottingham, East Midlands, Angleterre. La nuit est fraîche mais une foule active se bouscule dans l’obscurité. Au petit matin, 50 métiers à tisser, bijoux de mécanique, sont découverts réduits en pièces dans les ateliers de la ville. On soupçonne alors les ouvriers textiles, dont la manifestation contre les conditions de travail engendrées par la Révolution Industrielle naissante a été durement réprimée la veille. S’ensuivent une série de missives signées d’un mystérieux Ned Ludd, toutes adressées aux patrons des sociétés textiles et qui les menacent de nouvelles destructions de machines. Si l’épisode signe clairement le point de départ de la célèbre révolte des Luddites, plus obscure en revanche est l’origine du mot sabotage, qui lui est étroitement associé et dont l’idée fera florès à travers l’Europe, au gré des luttes syndicales qui grondent et des conflits armés à venir. D’aucuns pensent que les sabots des ouvriers, introduits dans les mécanismes, auraient servi à les détruire. D’autres évoquent la tradition des typographes, qui consistait à jeter dans une poubelle en forme de sabot géant les caractères en plomb mal fondus ou inutilisables. D’autres enfin parlent du bruit assourdissant que feraient les sabots de bois, heurtant de concert le pavé de la vindicte sous lequel point de plage.
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Plus pacifique bien que gentiment contestataire, le sabot suscite, dans les années 1970, l’engouement d’un véritable phénomène de mode, porté par l’attraction qu’exerce alors sur les jeunes générations de hippies allègrement fleuries le modèle social suédois. Faites l’amour, pas la guerre, mais avec des sabots. Un modèle de vie que François Siffrein Blanc, en fin connaisseur de la mode, a sans doute voulu faire revivre intuitivement un (pas très) beau jour de 2020. À cet instant précis, c’est un coronavirus made in China qui décidait de saboter l’économie mondiale et mettre un temps l’amour libre sous l’éteignoir, sans que l’on puisse incriminer le moins du monde Ned Ludd qui, non seulement a disparu depuis longtemps mais, de surcroît, n’a jamais existé. Tout comme les fuites d’un laboratoire à Wuhan d’ailleurs, mais l’on s’égare.
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Réduit à l’inactivité commerciale dans son showroom multimarques de mode marseillais, François décide de s’intéresser à l’accessoire qui parachèvera les silhouettes de la marque Karma Koma qu’il représente. Lui vient alors l’idée de sabots – constitutifs, aux yeux des rédactrices de mode appointées et autres influenceuses sponsorisées, du fameux style hippy chic – qu’il revampe, à l’unisson de l’esprit festif du label corse, à l’aide de cuirs aux teintes métallisées. Dûment sourcés en Suède et repimpés par ses soins, lesdits sabots font un carton. D’accessoires, ils deviennent principal et se constituent en collection sous l’étiquette un brin provocatrice Hööf. Suggérant par homophonie le vent de folie qu’ils refont souffler sur nos dress-codes estivaux, ils choisissent pour nom de baptême le mot anglais qui qualifie, non le sabot de Nottingham mais celui des ongulés, sans qu’il ne faille chercher ici une quelconque homophonie. Choix sans doute pertinent pour exprimer la liberté un peu sauvage qu’offre cette pimpante collection pour nos pieds. Le sabotage attendra.
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Un look de Hööf © DR