Faire tomber les murs, sans doute l’exercice favori de la nouvelle directrice du Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice, Hélène Guenin, pas effarouchée par le poids de l’institution niçoise.
Une volée de marches, un double escalator, une porte vitrée donnant sur la rue, ce n’est pas l’œuvre la plus fascinante du Musée d’Art Moderne et d’Art Contemporain de Nice mais Hélène Guenin, sa nouvelle directrice, peut l’apprécier. Elle qui a participé à la création du Frac Lorraine et du Centre Pompidou Metz opère – par l’aménagement de cette nouvelle entrée – une ouverture plus symbolique encore, celle du Mamac sur la ville.
“Je tiens à ouvrir le plus possible le Musée, au public bien sûr, mais aussi à créer une connexion forte avec le territoire et d’autres structures extérieures.” Ce territoire riche d’une histoire artistique forte – Nouveaux Réalistes et École de Nice (revisitée cet été par une grande exposition), Fluxus, Supports/ Surfaces – Hélène Guenin entend l’explorer à sa manière. “Aujourd’hui, les questionnements contemporains vont au-delà de la forme, sacralisée par la muséification, pour retrouver le sens du geste, de l’acte artistique.”
Hélène Guenin, l’esprit d’ouverture.
Sa programmation, démarrée sur les chapeaux de roues du fait d’une direction restée vacante avant son arrivée, en atteste déjà.
Réactivation du Prototype improvisé de type nuage de Yona Friedman, œuvre “ouverte”, réalisée avec une communauté de non-artistes qui, en utilisant filets de pêche et matériaux pauvres, l’inscrit dans l’imaginaire de la Baie des Anges et l’histoire de la Galerie des Ponchettes, autrefois dévolue aux pêcheurs.
Exposition de Marco Godinho, où l’artiste assume le destin d’éternel immigrant qui fait indirectement écho à la situation humanitaire à la frontière italienne.
Performance de Renaud-Auguste Dormeuil qui, à l’aide de mille bougies installées sur le parvis du Théâtre, compose une image du ciel dans cent ans et tisse un lien de lumière entre le Musée et le Théâtre National de Nice (TNN).
Mais c’est avec la rétrospective qu’elle consacre à Gustav Metzger que se traduit le mieux le paradigme d’Hélène Guenin. Proche du mouvement Fluxus mais toujours singulier, Metzger est depuis les années 60 l’une des figures majeures de l’avant-garde. Son travail récemment redécouvert, en partie fondé sur l’auto-destruction et une critique inlassable de la société de consommation, a fait de lui un pionnier engagé de la conscience écologique. L’urgence du propos, la nature des œuvres présentées, les combats même de l’artiste composent une exposition à mille lieues de toute séduction et pourtant forte d’une contemporanéité et d’une sincérité frappante.
Je porte en moi tous les espoirs du monde. Hélène n’est pas à l’aise avec les photos, sauf devant cette œuvre de Marco Godinho. Un message.
L’art offre un point de vue essentiel pour comprendre notre monde. Derrière la fine silhouette d’Hélène Guenin se cache une détermination sereine, pleinement consciente des enjeux de son poste. “Je sais qu’on attend beaucoup de moi et que je dois faire avec peu de moyens. Mais j’ai reçu ici un accueil vraiment chaleureux, je suis confiante.” La suite, c’est l’exposition d’été qui l’amènera à réinterroger la place d’artistes de l’École de Nice, historiques, obscurs et, au passage, figures féminines. “Retrouver naturellement une place importante pour les femmes.” C’est aussi sa conviction. Nous la partageons volontiers.
Photo de couverture : « Tenho em mim todos os sonhos do mundo » (Je porte en moi tous les rêves du monde), œuvre murale de Marco Godinho d’après Fernando Pessoa, photo Karolina Kodlubaj
Initialement publié dans Marie Claire Méditerranée