Inspirée par la mer et ses reflets, les paysages du Sud et l’art culinaire, Alice Van de Walle nourrit sa peinture et ses illustrations de sa terre d’adoption méditerranéenne, où elle crée des œuvres sensibles et colorées. C’est dans l’échange qu’elle puise son énergie et dans l’intimité qu’elle se retrouve, captant avec poésie la beauté des scènes et paysages qui l’entourent.
Tu as fait des études de droit et de communication. Comment en es-tu arrivée à la peinture ? Quel a été le déclic pour toi ?
La peinture, c’est quelque chose qui est là depuis toujours, ça fait partie de moi. Je me souviens quand j’avais, je sais pas, 7 ou 8 ans, j’avais carrément fait des cartes de visite que je donnais aux potes de mes parents avec écrit : Alice van de Walle artiste peintre, contactez-moi (rires). Après le lycée, j’ai choisi un parcours un peu plus rassurant, pour mes parents, les profs, et ça me plaisait aussi. Donc j’ai fait un double diplôme franco-anglais en droit pendant 4 ans, puis un master en com à Sciences Po. Dans tout mon parcours, je n’ai jamais vraiment anticipé les prises de décision. L’art a toujours été là et je ne sais pas si c’est par manque de courage ou autre chose que je me suis laissée porter vers d’autres expériences, mais elles m’ont permis d’arriver où je suis aujourd’hui.
Après mes études, j’ai commencé un premier travail au Guide Michelin, sur la gastronomie durable. Ça m’intéressait vraiment, c’était génial. Mais même avec un job absolument parfait, avec beaucoup de voyages, je me suis rendu compte qu’il manquait quelque chose. Mes expériences m’ont vraiment enrichie, le droit m’a permis d’avoir une structure et tout ce que j’ai fait dans ce domaine a été incroyable, mais je n’étais pas totalement à ma place. Donc un jour, je me suis dit qu’il fallait que je suive mon rêve d’enfant. J’ai pris la décision de partir. J’ai toujours de super rapports avec le Guide Michelin, ils m’ont même soutenue dans ma démarche, mais il fallait que je me retrouve moi-même et ça s’est fait au fil des années.
On retrouve d’ailleurs beaucoup d’inspirations liées à la gastronomie, l’art de la table, les produits de la terre dans ton travail. Qu’est-ce qui t’intéresse dans la cuisine ?
La gastronomie, la cuisine, c’est un prisme assez fun finalement pour parler de sujets de société. À travers la cuisine, on parle de sujets sociaux, environnementaux, économiques et pour moi, c’était un moyen assez ludique et qui parle à tout le monde – car je crois que les gens aiment manger en général – de traiter de ces enjeux différemment. C’était mon approche quand je suis arrivée au Guide Michelin. Aujourd’hui dans mon travail, il s’agit plus d’entretenir un lien avec les gens qui travaillent la terre. J’ai fait une résidence l’année dernière avec la cheffe étoilée Nadia Sammut, j’étais un mois chez elle dans son restaurant dans le Luberon, et j’ai fabriqué ma propre peinture à partir de pigments locaux, de farines que Nadia fabrique. Faire ce lien, comme beaucoup de chefs le font, de la terre à l’assiette, ça m’intéresse de le faire de la terre à la toile.
On a justement retrouvé ton travail dans les illustrations pour la première édition du Refugee Food Festival à Nice. Est-ce important pour toi d’utiliser ta pratique pour faire part de tes convictions ?
Je pense que c’est le rôle d’un artiste de coucher ce qu’il ressent, ce qu’il pense, ce qui le fait vibrer. Des fois ça peut être violent, doux, mais c’est toujours personnel. Le travail artistique quel qu’il soit est tellement intime que l’on finit forcément par communiquer un message enfoui en nous. Pour moi le côté esthétique de l’art prime. Je sais qu’on peut le contredire mais j’aime que ça parle visuellement et s’il y a un message en plus derrière, c’est génial. Mais c’est vrai que, si j’y arrive, j’aimerais mettre un peu de beauté dans le monde, c’est plus ça ma mission. Ma création part toujours d’une idée esthétique qui peut en plus porter un message. Ma dynamique c’est d’amener un peu de paix, un peu de calme, comme une pause.
Tu viens d’Alsace, comment t’es-tu retrouvée sur la Côte d’Azur ? Pourquoi y avoir posé tes valises et tes pinceaux ?
Nice est une ville avec laquelle j’ai beaucoup d’attaches. C’est ma Madeleine de Proust. Je venais quasiment tous les étés en vacances parce que j’ai de la famille ici, donc ma tête était pleine de souvenirs, pleine de couleurs. J’ai une connexion très spéciale à la mer, j’ai besoin d’être proche d’elle, de pouvoir me baigner, d’interagir avec l’eau.
On est resté 4 ans à Paris avec mon copain et on voulait déménager, l’idée de Nice est venue naturellement. J’ai toujours été attirée par cette ville, son histoire artistique, ça me parlait vachement. Mon inspiration n’est jamais en reste ici, avec les paysages qui changent, entre la mer et la montagne, c’est dur de se lasser. Mon intuition était presque viscérale et je suis super bien dans le Sud.
Ton travail est assez intuitif, spontané, comme ton parcours. Quelles sont tes moteurs et tes inspirations ?
Mes principales sources d’inspiration sont des moments de vie, une promenade sur le littoral, une baignade à La Réserve, un déjeuner entre amis, un rayon de soleil qui scintille sur la mer. Je me laisse inspirer par tout. Je suis par exemple très fan de vaisselle et d’objets d’art de la table que j’adore chiner. L’esthétique de la vaisselle des années 60-70 est juste un rêve pour moi.
En termes de références artistiques, il est certain que la peinture de Matisse a été très importante dans le développement de ma pratique. Bien que je cherche aujourd’hui à créer un langage plus personnel, c’est le travail de Matisse qui d’une certaine manière m’a mise sur le chemin de la peinture. J’aime aussi beaucoup Jean-Michel Folon et des artistes contemporains comme Vojtěch Kovařík avec ses figures mythologiques, massives et délicates.
On t’a sollicitée pour plusieurs fresques murales, qu’est-ce qui te plaît dans cette nouvelle dimension ?
C’est un ami qui m’a d’abord demandé de faire une fresque chez lui et à partir de là ça a pris. C’est vrai que l’échelle n’est pas du tout la même que sur une toile ou sur une feuille de papier, il y a une liberté, une aisance du geste qui est amplifiée. C’est un exercice que j’adore faire, que je n’ai commencé que récemment mais sur lequel les possibilités sont larges.
Tu réalises aussi des travaux de commande, comme l’identité visuelle de la gamme de produits labellisés Provence. Comment concilies-tu l’art, le graphisme et la communication ?
J’ai la chance de toujours travailler sur des projets où j’ai énormément de liberté, j’ai bien sûr toujours un brief pour savoir quel univers je dois traduire, mais les gens viennent à moi pour mon travail et on me sollicite pour que mon univers soit retranscrit, donc j’ai beaucoup de liberté. Il y a autant de moi dans des illustrations pour des projets comme celui dont tu parles que dans mes peintures.
Tu as conçu la fresque du Maybourne Riviera avec Charlotte Colt. Est-ce que tu as besoin de ces collaborations pour rompre la solitude du métier de peintre et croiser d’autres points de vue que le tien ?
Le métier de peintre, c’est un métier qui part de soi mais je pense que le soi résonne quand il y a les autres à côté. Ce qu’on fait avec Charlotte, c’est toujours très fluide, on sort enrichies de nos expériences personnelles. Ce sont des moments hyper agréables, que j’adore créer. Je trouve qu’à Nice, il y a de plus en plus de créateurs, aussi bien en céramique, photo… une sorte d’émulation artistique est en train de se créer. On pratique tous de notre côté, mais on ne se sent pas forcément seul parce que l’on peut échanger à tout moment. Nice attire beaucoup par son histoire et son cadre, et même si on est encore loin d’être un point central de la culture, ça se développe et c’est super d’y prendre part.
Dans cette dynamique d’échanges, tu fais souvent du live painting. Quel sens cela revêt pour toi ?
L’échange humain est amplifié mais il faut se préparer en se disant que l’on ne sera pas dans notre bulle, qu’il y aura forcément des interactions pendant que l’on peint. C’est un autre état d’esprit à adopter et c’est ça qui est enrichissant. Il est déjà arrivé que des gens veuillent peindre avec moi, d’autres choses se créent et c’est stimulant. Des fois les gens me connaissent déjà mais il y a aussi beaucoup de rencontres, de découvertes et c’est une chance. J’aime bien avoir des moments comme ça, où je ne suis pas uniquement seule face à ce que je fais.
Green pool view - Cap d’ail, photo Camille Picquet © Alice Van de Walle