Culture

Fashion Folklore. La couture sur les ailes de la tradition.

Sans la blouse traditionnelle roumaine, l’une des pièces les plus iconiques d’Yves Saint Laurent n’aurait jamais vu le jour. Si le dialogue entre costumes traditionnels et créations haute couture peut sembler lointain, l’exposition Fashion Folklore du Mucem en retrace la généalogie et la richesse insoupçonnée.

La Haute Couture, jusqu’à sembler parfois hors sol, suit l’inspiration libre et artistique de ses designers, quand le folklore s’ancre dans des siècles de traditions et pourtant, un lien indéfectible les unit. De la qualité des matériaux utilisés à la précision des coupes, en passant par l’attention portée aux détails qui signent le style, tout dans les costumes traditionnels témoigne du savoir-faire parfois millénaire nécessaire à leur confection. L’exposition Fashion Folklore conçue par le Mucem nous montre à quel point les plus grands noms de la Couture suivent une démarche similaire et puisent leur inspiration dans les dimensions artisanales et esthétiques de ces costumes ancestraux. Loin d’être opposés, les hémisphères supposés de la haute et de la basse culture ont de tout temps entretenu un dialogue fécond et enrichi l’histoire du vêtement.

Fashion Folklore inscrit ainsi une sélection de pièces iconiques de Haute Couture dans un dialogue historique et stylistique, à travers un parcours réunissant 300 pièces issues des collections du Mucem mais également des prêts de musées prestigieux comme le Musée des arts décoratifs de Paris ou le Musée Yves Saint Laurent de Paris. Les archives des maisons Balenciaga, Chanel, Chloé, Dior, Elsa Schiaparelli, Franck Sorbier, Christian Lacroix, Kenzo, Balmain ou encore Givenchy illustrent ainsi l’importance de l’influence qu’exercent depuis toujours l’esthétique et les traditions populaires dans la démarche des créateurs et créatrices de mode les plus célèbres. Maisons et personnalités créatives qui, loin de s’en tenir à des emprunts plus ou moins assumés à des cultures du monde entier, ont participé à sauvegarder des techniques et savoir-faire ancestraux, et contribué à perpétuer un héritage culturel, source d’inspiration de pièces intemporelles et spectaculaires à admirer tout au long de l’exposition.

Comme en témoigne la robe de Franck Sorbier, qui ouvre l’exposition. Aussi bien artisan qu’artiste, le créateur s’est nourri des expéditions du musée d’Ethnographie du Trocadéro pour imaginer l’élégante robe Larantuka, symbole d’une maîtrise indonésienne du textile profondément respectée. Une pièce qui demanda un niveau de technicité hors du commun, afin de valoriser des techniques de vannerie traditionnelle. Ou encore la coiffe imaginée par Iris van Herpen lors de son défilé Roots of Rebirth de l’été 2021. En s’inspirant des ornements de tête italiens appelés guazze, composés originellement d’épingles disposées en halo, la créatrice a repensé ce symbole féminin dans une collaboration  avec le sculpteur américain Casey Curran, en imaginant avec lui une couronne cinétique, composée de 18 plumes mobiles, actionnées par un système de fils et de bobines en laiton. Pour un résultat traditionnel et futuriste.

Si la porosité des domaines de la mode populaire et de la Haute Couture, et la richesse de leurs échanges traverse Fashion Folklore, l’exposition n’élude pas la question de l’appropriation culturelle, sensibilisant les visiteurs au respect des cultures et à l’histoire derrière chaque costume traditionnel, présenté à l’égal des plus grandes créations de Haute Couture de l’époque.

Fashion Folklore, jusqu’au 6 novembre 2023, au MUCEM Marseille. Toutes les informations par ici

Image principale. Franck Sorbier. Robe Larantuka, collection haute couture 2008. Raphia, chanvre, macramé. Photo © Mucem / Marianne Kuhn 1. Coiffe à nœud dite Schlupfkàpp, Ittenheim, Alsace, vers 1910. Velours de soie moirée. Mucem, Marseille. Photo © Mucem / Marianne Kuhn. 2. Victor Weinsanto. Sans titre, Alsace, 2021. Crin. Weinsanto, Paris © Courtoisie de Weinsanto. 3. Plastron, Pont-l’Abbé, XXe. Laine et coton, broderie. Mucem, Marseille. Photo © Mucem / Marianne Kuhn. 4. Jean-Paul Gaultier, robe asymétrique de velours noir tatouée. Défilé Paris-Brest, collection haute couture automne-hiver 2015-2016. Archives Jean-Paul Gaultier, Paris. © Courtoisie de Jean-Paul Gaultier. 5. Ornement de tête féminin, dit guazze. Brianza, Lombardie, Italie, XIXe. Argent, métal. Mucem, Marseille. Photo © Mucem / Marianne Kuhn. 6. Extrait du défilé Iris van Herpen, Roots of Rebirth, collection printemps-été 2021. © Courtoisie de Iris van Herpen