Beauté

Loubaïo, Messieurs Propres 

Simon Genta est l’une des trois têtes bien faites qui ont imaginé Loubaïo, marque de produits pour le bain 100% naturelle. Naturelle, certes, mais aussi made in local, éco-friendly jusqu’au bout des mèches et transparente comme l’eau des Calanques hors saison. Ils auraient de quoi se faire mousser, mais comme ils nous l’apprennent eux-mêmes : ça ne sert à rien. 

Simon, Olivier et Tarek se sont réunis au fil du temps autour d’une amitié commune puis, au détour de leurs trajectoires professionnelles, d’un projet partagé : imaginer une marque de produits de bain naturels et respectueux de l’environnement. En 2020, ils créent Loubaïo avec la volonté de faire autrement, euphémisme qui cache les mauvaises pratiques du secteur dont ils souhaitent s’affranchir, pour faire mieux. En chemin, ils découvrent les ressources végétales exceptionnelles de la Provence pour les soins du corps, quantité de petits labos compétents dans le Sud et, associant leurs esprits créatifs à leur volonté commune de propreté, ils imaginent une gamme de produits solides et liquides, qui nettoient tout le monde sans salir la planète. 

Avec des shampoings, après-shampoings, savon et huile sèche qui remplissent, voire dépassent les cahiers des charges des labels bio, slow-cosmétiques et vegan, ils remplissent peu à peu leur contrat en gagnant la confiance des familles. Pour ce faire, Loubaïo a banni les ingrédients nocifs, repensé ses contenants et privilégié les circuits courts. Explications.

Vous avez imaginé les produits Loubaïo à trois, comment vous-êtes vous rencontrés et quels sont vos parcours ? 

J’ai fait une école de commerce à Montréal, c’est là que j’ai rencontré Tarek. Il est ensuite rentré en France et il a rencontré Olivier. C’est comme ça que l’on a fini par former notre trio en Provence, avec Tarek comme dénominateur commun. Olivier est l’ingé du groupe, il gère la création de produits, c’est notre technicien, Tarek s’occupe du développement commercial et moi je gère le marketing et la communication. 

Tarek avait commencé sa carrière dans le domaine de la cosmétique, c’est lui qui nous a incités à mettre un peu le nez dans ce secteur-là. C’est en réaction à ce qu’on a observé alors, des communications pas toujours transparentes et fair de la part des marques, des produits pas super clean, que l’on s’est dit : il y a quelque chose à faire.

Pouvez-vous m’en dire plus sur le nom de la marque ? 

On s’est pas mal creusé la tête et au final, il n’a pas vraiment de signification mais quand même une logique (rires). « Lou » en Provençal ça veut dire « le » et « baïo » ça sonne comme bio en Provençal aussi. Pour être tout à fait honnête, c’est ma femme, qui ne parle pas un mot de français, qui a trouvé le nom. Comme on ne travaille que sur une gamme bio, ça collait parfaitement, alors on l’a gardé. 

Qu’est-ce qui vous a poussés à imaginer des produits de bain respectueux pour la peau et l’environnement ? Sur votre site, vous évoquez la parentalité. Au-delà du soin, c’est une question de protection et de transmission de valeurs ?

Quand on devient parent, on n’a pas envie d’utiliser des produits que l’on sait mauvais pour la peau et la planète. En s’intéressant de près à ce monde et en voyant les problèmes au niveau des compositions, on savait qu’il fallait que l’on propose une meilleure solution. C’est pourquoi, on a choisi de baser notre marque sur des principes de transparence et d’éthique, depuis la formulation du produit jusqu’à la communication.

On essaie de monter une boîte à l’image de ce que l’on explique à nos enfants, c’est-à-dire être honnête, s’excuser si l’on fait quelque chose de mal, recommencer si l’on se trompe. On veut montrer qu’il existe une voie plus vertueuse, mais qu’elle passe par l’éducation. Elle prend du temps, plus de temps que les raccourcis que prennent pas mal de marques, mais on est bien dans nos baskets. 

Vos dernières recharges de shampoings liquides sont conditionnées dans du papier de pomme. Comment avez-vous trouvé cette alternative ? Et comment lutter contre le surpackaging dans le monde des produits d’hygiène ? 

Quand on a lancé Loubaïo sur la partie liquide, la première question qu’on nous a posée c’était : où sont les recharges. Pour y répondre, on ne parvenait pas vraiment à trouver de solutions, parce que c’était soit du plastique, soit du plastique. Ce qui ne nous intéressait pas, car c’est difficilement recyclable. On est tombé sur une PME française qui a développé cette solution du papier de pomme. Dans nos emballages il y a donc 60% de papier de pomme et à l’intérieur, il y a une couche vraiment très fine de plastique. L’avantage de cette proportion de papier de pomme, c’est que la recharge permet d’être recyclée avec le papier. On sait que cette solution n’est pas parfaite car il y a encore un peu de plastique, mais c’est un pas dans la bonne direction. 

Dans la cosmétique, il y a la formulation mais le packaging compte pour 50% de l’empreinte du produit. Alors c’est évident qu’on évite le superflu et pour les emballages que l’on conserve, on fait en sorte qu’ils soient le plus respectueux possible. Comme le carton et l’aluminium, qui se recyclent assez bien. L’aluminium se recycle même à l’infini. Le plastique se recycle environ trois à quatre fois et après, il va partir en fumée, en générant de la pollution et des déchets toxiques. 

Vous abordez l’écologie par la science. Vos shampoings solides sont dépourvus de SCI (Sodium Cocoyl Isethionate) auquel, si j’ai bien compris, vous avez substitué un tensioactif non polluant. Pouvez-vous m’expliquer ce qu’est le SCI, pourquoi il est nocif et à quoi sert un tensioactif ? 

Il y a très souvent des tensioactifs ou des sulfates dans les compositions cosmétiques. Les tensioactifs concernent les shampoings, c’est la base lavante de quasiment tous ceux qui existent. C’est ça qui va enlever la saleté sur vos cheveux. Les sulfates, c’est ce qui fait mousser les produits, ce que les gens adorent et recherchent, mais c’est très polluant et ça attaque la peau.

Le problème des solides, quand les gens ont commencé à en développer, c’est que ça ne moussait pas. Et pour vous, moi, depuis que l’on est tout petit, le dentifrice, le shampoing, le savon, il faut que ça mousse. Pour répondre à ce problème, ils ont trouvé le SCI, qui a l’avantage d’être très doux pour la peau, n’attaque pas comme les sulfates et pourtant mousse beaucoup. Quand elles ont découvert ça, 98% des marques du marché se sont dit bingo, ça mousse, ce ne sont pas des sulfates, c’est parfait. 

Mais ce n’est pas aussi simple, car la production de SCI requiert des produits très nocifs pour les milieux aquatiques. Donc vos produits ne vous feront pas de mal, mais leur processus de production sera hyper polluant. C’est pour cette raison que nous refusons d’en utiliser, ça aurait été une solution de facilité. 

En creusant, on a découvert que depuis 2 ou 3 ans, il y a quelques labos qui travaillent avec des tensioactifs de la famille des glutamates (les glutamates sont considérés comme sans danger, notamment par l’appli INCI Beauty qui répertorie les ingrédients nocifs dans les produits cosmétiques du marché, ndlr). Les glutamates c’est très simple, c’est ce qu’il y a de plus doux sur le marché, ce n’est pas polluant, c’est le top du top du tensioactif mais peu de labos les travaillent car ils demandent plus de budget et de technique. Leur défaut, c’est de mousser un peu moins. Beaucoup de compagnies les ont boudés pour ça, en pensant que les gens n’auraient pas l’impression d’être propres. 

Sur le marché du solide, désormais, les marques utilisent soit des sulfates, soit du SCI. Or, celles qui utilisent du SCI ne peuvent pas être considérées comme bio. C’est l’avantage qu’on a, si vous cherchez un shampoing solide bio, il n’y en aura pas tant que ça. On n’a pas choisi la facilité, mais ce qu’il y a de plus clean

C’est le moment de nous expliquer pourquoi on n’a pas besoin d’être couvert de mousse pour être propre. Et quels composants sont à éviter.

La mousse et ses effets, ça vient vraiment de l’éducation, mais ça ne sert strictement à rien. Quand vous vous lavez les cheveux, faites le test de faire deux shampoings, le deuxième moussera toujours plus. À l’inverse, quand il y a moins ou pas de mousse, c’est que ça lave réellement. La mousse n’a pas de vrai intérêt, à part rassurer le consommateur. C’est une pure perception. 

Les ingrédients les plus connus à éviter et que l’on a bannis sont les silicones. Pour résumer leur utilité, les sulfates présents dans beaucoup de shampoings, qui sont d’ailleurs souvent les mêmes que ceux dans vos liquides vaisselle, vous décapent les cheveux. Une fois vos cheveux bien desséchés, ils ajoutent des silicones, qui vont eux créer une pellicule, une sorte de film qui va rendre le cheveu brillant et facile à coiffer. Mais, in fine, ce processus étouffe la fibre capillaire et vous abîme complètement les cheveux. Donc on l’a sorti des compositions et remplacé par des huiles comme l’huile d’olive et l’huile de chanvre. On utilise aussi des prébiotiques (dans les shampoings, les prébiotiques ont un effet purifiant, ils rééquilibrent le cuir chevelu en favorisant le développement des bonnes bactéries, ndlr) qui permettent de rendre les cheveux aussi brillants qu’avec le silicone mais en étant 100% naturels.

On a aussi enlevé les Quats (ammoniums quaternaires, ils servent à gainer le cheveu et le démêler, ndlr) qui étouffent aussi le cheveu. En gros, on a pris la liste de ce qui était banni par les certifications bio et on y a ajouté des dizaines d’ingrédients qui sont encore autorisés par le bio mais que nous refusons d’utiliser. On a une blacklist plus expansive que les organismes bio pour nos formulations parce que l’on veut que ça n’impacte ni les gens, ni l’environnement, de la production à l’utilisation. 

La question environnementale est-elle une évidence pour vous au point que vous ne la revendiquiez pas ouvertement sur vos packagings, qui sont plutôt modernes et dénués de tout signe green convenu ?

On a travaillé avec une toute petite agence de branding à Marseille, menée par deux filles brillantes. Elles nous ont dit dès le début qu’elles en avaient marre du bio papier kraft et petite ficelle en corde. Avec elles, on a pu montrer qu’on pouvait faire du bio joli, sympa et pas entouré de vert.

C’est sûr que quelqu’un qui peint son flacon en vert avec des arbres ira plus vite que nous pour faire comprendre aux gens, parfois en mentant en plus, comment il se positionne. Nous, on a des formules inattaquables niveau composition et on ne suit pas les codes classiques de ce qui doit être bio aux yeux des consommateurs en termes d’emballage. Ça prend juste plus de temps. 

Pourquoi le shampoing solide est-il intéressant en termes d’écologie et de composition ? Les vôtres peuvent-ils être utilisés pour tous types de cheveux ?

Environnementalement parlant, c’est plus intéressant pour plusieurs facteurs. Tout d’abord, le packaging entièrement en carton facilite les choses pour le recyclage. C’est aussi plus léger au transport, là où un flacon de 200 ml pèse 250 g, un shampoing solide pèse 90 g. C’est aussi plus économique, car un palet de shampoing solide équivaut à deux flacons de shampoing liquide. 

Au niveau de la composition, il faut avoir en tête que les ingrédients d’un shampoing solide peuvent être aussi nocifs que ceux d’un shampoing liquide. Chez nous, tous les shampoings, solides ou liquides, sont bons. 

Pour ce qui est de s’adapter à tous les types de cheveux avec les produits solides, on a misé sur un seul shampoing et après-shampoing qui s’adaptent à tout le monde. On préférait formuler peu de produits qui conviennent au plus grand nombre, même s’il y a des exceptions. Si vous avez les cheveux à tendance très grasse, par exemple, ça ne fonctionnera pas. Mais l’idée, c’est que cela soit un produit universel.

Quel est votre objectif final ? 

Remplir les salles de bain de produits complètement naturels et ultra propres. Que, de la tête aux pieds, vous puissiez savoir ce que vous mettez sur vous. Actuellement, on propose du shampoing, de l’après-shampoing, de l’huile sèche pour le corps et du savon et plus tard pourquoi pas du déodorant, du dentifrice… Avoir une gamme Loubaïo qui puisse couvrir une routine complète. 

On veut pousser les consommateurs à se renseigner plus sur les ingrédients de leurs produits, pour qu’ils se rendent compte qu’il faut se tourner vers des compositions plus clean. Notre ambition, c’est, qu’à terme, les gens achètent nos produits sans plus regarder ce qu’il y a dedans, qu’il y ait une relation de confiance qui s’installe parce que l’on n’a rien à cacher. On veut changer un peu le monde, mais ça prend vraiment du temps. Ça passe par l’éducation, la pédagogie et l’échange. Nous, on privilégie les circuits courts, on respecte le travail de toutes les personnes qui collaborent avec nous, pour que toutes les étapes de création soient vertueuses. Au final, on veut produire proprement et encourager à consommer plus respectueusement. 

© Mona Grid