En 2014, Mounir Ghazali fait le pari de créer en Corse une entreprise dans le domaine de l’Économie Sociale et Solidaire. Concilier solidarité et profits, ça marche ? Réponses avec Mounir Ghazali, entrepreneur passionné.
Quand on lui demande de définir son entreprise, Mounir Ghazali répond en trois mots : éthique, travail, passion. De la passion, il lui en aura fallu quand, pour créer son entreprise CorsEco Développement, Mounir décide de quitter son emploi de service public la veille de la naissance de son deuxième enfant ! Un saut dans le vide ? Pas pour Mounir qui a largement mûri son projet, aboutissement d’un parcours de vie.
Ma femme a mis au monde un enfant et moi, un projet, au même instant. Rien n’est facile, mais quand on y croit, il faut se lancer. Cela demande bien entendu de la préparation, de la réflexion, mais quand on est passionné, rien ne nous arrête.
C’est alors une nouvelle page qui s’ouvre pour lui, tant sur le plan professionnel que personnel. Son entreprise, il la gère de chez lui. Pas trop compliqué avec les enfants ? Il rit, Je supplie ma femme de m’autoriser à faire plus d’heures. La création d’entreprise m’a donné beaucoup de flexibilité pour m’occuper de ma famille. Mais cela demande de travailler avec des horaires décalés, de faire plus d’heures de travail… négociées en famille. Son projet est une certaine vision de la vie. Celle de Mounir est ancrée dans ce territoire rural de la Corse qu’est le Fium’Orbu, mais s’est construite avec sa culture d’origine.
Ses parents, tous deux marocains, arrivent en Corse dans les années 60. Ils y fondent une famille de six enfants. Mounir est le seul garçon. Il sourit, cinq sœurs féministes, cela remet vite les pieds sur terre ! Les parents de Mounir n’ont pas eu la chance de fréquenter l’école, mais ils en font une valeur essentielle. Pour me faire réciter mes leçons, ma mère tenait le livre… à l’envers. Elle ne savait pas lire, mais l’autorité était là. Le plus important était qu’elle tienne le livre. On pouvait encore, à l’époque, dire que la réussite scolaire était un moyen de progresser socialement. Eux voulaient que j’y arrive. Ensuite, j’ai fréquenté les colonies de vacances marocaines, qui m’ont permis de savoir d’où venaient mes parents, d’où je venais et donc, où j’allais. Une bonne connaissance de ma culture d’origine m’a permis d’être très à l’aise pour vivre sereinement une culture différente de celle de ma famille. Me sentir profondément corse m’a amené à avoir une certaine éthique dans mon entreprise.
Cette éthique, c’est le développement local. En permettant aux salariés de bénéficier de tarifs réduits chez les commerçants insulaires, avec sa carte CorsEco Développement offerte par les employeurs, Mounir parvient à générer du profit pour tout le monde. Preuve qu’allier profit, développement local et solidarité, c’est possible. Je fais du profit car je permets à des commerçants d’en faire en offrant aux entreprises un avantage social à moindre coût. Tout le monde y gagne. Ce ne sont pas les commerçants qui diront le contraire, certaines parfumeries dénombrant par exemple tellement de clients porteurs de la carte qu’elles se voient contraintes de leur réclamer une pièce d’identité.
Sa dernière idée en date ? Inciter les salariés corses à demeurer dans l’île pour faire du tourisme, en leur proposant des vacances à petits prix. Le premier séjour a été vendu en avril dernier sur la côte orientale, en Costa Serena, au sein du village Marina d’Erba Rossa. Et ce n’est qu’un début. Cette idée, Mounir ne l’a pas inventée, il s’est inspiré du kounouz biladi, un concept marocain. Cet entrelacement de cultures, aux antipodes d’une mondialisation uniformisante, fait encore la preuve que l’avenir se bâtit à partir de ce que nous sommes et, surtout, de nos rêves.
CorsEco Développement
corse-eco.com
Initialement publié dans Marie Claire Méditerranée