Invité du London Design Festival en septembre 2021, l’atelier de Stéphanie Marin, designer de la marque Smarin installée à Nice, a pu exposer dans l’espace du quartier de King’s Cross le fruit de ses recherches sur de nouveaux matériaux durables. Une inspiration à suivre.
Dans la capitale britannique en perpétuel mouvement, le quartier de King’s Cross a connu une spectaculaire renaissance qui se prolonge par un ambitieux programme nommé Super Nature. Son objectif : rendre le quartier entièrement circulaire, selon le terme forgé pour l’économie, à l’horizon 2030. Invité du London Design Festival en septembre 2021 au King’s Cross Design District, dans le cadre de ce laboratoire Super Nature, l’atelier smarin s’est illustré par une réponse design mariant technique et poétique, sa marque de fabrique.
L’invitation lancée par Super Nature à Stéphanie Marin et son équipe se résumait à une case study éminemment actuelle : concevoir un système de mobilier urbain à partir de plastique recyclé. Depuis plusieurs années, smarin poursuit en effet, en parallèle de sa production d’objets design et d’environnements liés à des événements culturels ou artistiques, un véritable travail de recherche par l’expérimentation de nouveaux matériaux plus durables.
Chanvre et chaux vs plastique
Commissionné par Super Nature, l’atelier a ainsi pu mettre en pratique le prototype d’un futur système d’espace public, susceptible d’être déployé à grande échelle. Hemp-Clay-Lime, Urban Seating – c’est son nom – repose sur une technique d’enrobages successifs qui associent le chanvre, l’argile et la chaux dans une combinaison inédite aux nombreux atouts environnementaux.
La chènevotte, tout d’abord, que l’on nomme également paille ou copeau de chanvre, est un déchet extrait de la tige de la plante. Utilisé pour des litières d’animaux ou le paillage des cultures, il constitue pourtant un matériau de première qualité, à la fois imputrescible, capable de capter la chaleur et très isolant. Utilisé sous la forme de béton de chanvre, il s’avère surtout carbone négatif, puisqu’il absorbe plus de co2 qu’il n’en faut pour sa production – il est particulièrement économe en eau – et son transport, du fait de son extrême légèreté.
La chaux, ensuite, issue du calcaire, l’une des matières les plus abondantes sur terre, a prouvé ses vertus depuis l’Antiquité, dont les vestiges d’architecture nous sont parvenus du fait même de la solidité séculaire de leurs enduits chaulés.
Teinté à l’argile pour constituer une robe chaleureuse et naturelle, l’enduit à la chaux recouvre donc une couche de mortier de sable et chaux qui elle-même enveloppe un cœur en béton de chanvre. Un assemblage qui offre au mobilier ainsi conçu d’être à la fois chaleureux et capable de résister à un usage urbain intensif.
Et le plastique dans tout ça ? Peu emballée à l’idée de manipuler cette matière, Stéphanie Marin a pourtant accepté de dialoguer avec un industriel avant que celui-ci ne se rétracte, conscient de la démonstration qui allait se faire, manifestement défavorable à son industrie.
Un design orienté nature pour faire refleurir la vi(ll)e
Nourrie de cette recherche vers des matériaux durables, la forme du mobilier elle-même s’impose avec une évidence naturelle. Le module de base hexagonal s’assemble librement et permet des compositions, entre architecture apicole et noyau d’atome vibrant d’activité, qui s’adaptent aux contraintes de l’espace urbain en constituant des îlots où viendront accoster, le temps d’une conversation sur l’air du temps, les badauds qui déambulent dans la ville et y retrouvent une part d’humanité.