Culture

Richard Baquié, nouvelle intégrale à l’Hôtel des Arts

L’Hôtel des Arts de Toulon redonne à voir cet artiste dont l’œuvre singulière continue de faire sens.

Machine à caniveau, 1984. Œuvre en 3 dimensions, assemblage Bidon d’huile découpé, roue à aubes, avion découpé dans une boîte de coca-cola Métal, 49 x 23 x 18 cm © Collection [mac] musée d’art contemporain Marseille © ADAGP, Paris 2017.

Richard Baquié est mort prématurément en 1996 à l’âge de 44 ans. Si son œuvre est peu visible depuis, il nous a transmis un vocabulaire singulier de formes et d’images qu’il est difficile de circonscrire en des formules toutes faites. Bricoleur subtil, bien qu’il en refusât le titre, il savait donner grâce au moindre morceau de ferraille. L’assemblage de matériaux ne s’arrêtait pas pour lui à une prouesse formelle destinée à produire de la sculpture au kilomètre. Il n’aimait pas vraiment la pérennité de l’objet, jouant de la tension entre constructions a priori fragiles et phrases énigmatiques.

On a beaucoup parlé de poésie en évoquant ses associations de mots et de matériaux. Il s’agit plutôt d’une métaphysique du quotidien dans laquelle la sculpture lui permettait d’exprimer son rapport au monde. L’art est, selon ses propres mots, un moyen efficace (rapidité) et inefficace (résultat), sachant qu’il ne résout rien, ne propose rien (mais résout tout). Illustrant ce paradoxe, Baquié semble partagé entre le désir de fixer le temps – dans l’instant – et sa nature mélancolique qui l’entraîne au vagabondage existentiel. En 1989, il réalise deux œuvres aux titres évocateurs : Nulle part est un endroit et Temps de Rien.

FIXER, 1994. 4 tirages Cibachromes sous plexiglas sur châssis métallique, zinc plié et soudé, boulons et écrous de fixations 200 x 420 cm. Chaque tirage : 200 x 105 cm. Collection Frac Franche-Comté © Pierre Guénat © ADAGP, Paris 2017.

Comme beaucoup de jeunes gens ayant grandi dans les années 1960 et 70, l’artiste voyait dans la voiture un outil simple et rapide de se déplacer, de flâner vers un ailleurs. Mais son ailleurs n’est pas celui des agences de tourisme. Plutôt banlieues industrielles et esprit post-punk. Sur le pare-brise de sa BMW enterrée dans le sol d’un quartier au nord de Marseille (L’Aventure, 1988) était inscrit le mot Désir. Il passe beaucoup de temps à rouler, autant en quête d’images furtives que d’un mode de vie. Il écrit dans ses carnets de notes au début des années 1980 : Aujourd’hui, la rapidité du déplacement ne permet plus l’appréhension du réel. Pourquoi ne peut-on plus croire au modernisme comme dans les années 1960 ?

L’une de ses œuvres majeures est une sculpture produite à partir d’une fenêtre de train transformée en soufflerie ou – selon notre interprétation – en énorme appareil photographique. Deux ventilateurs et un journal lumineux animent le tout. Le titre incarne la pensée de son auteur : Autrefois il prenait le train pour travestir son inquiétude en lassitude (1984). Richard Baquié connut un succès fulgurant qu’il supporte mal et le conduit à réduire sa production. En 1991, la Fondation Cartier à Jouy-en-Josas lui consacre (si tôt) une rétrospective qu’il appelle Constats d’échec. Il désirait alors racheter toutes ses œuvres, les « reprendre » comme on dit en peinture quand on veut modifier un motif que l’on croyait pourtant abouti. Sans quitter définitivement la ville de Marseille qui restera jusqu’au bout le champ principal de son inspiration, il consacre de plus en plus de temps aux voyages, dont il ramène de nombreuses photographies qu’il découpe pour les réassembler en de nouveaux paysages, à la fois vrais et totalement artificiels (Les Intégrales, 1991-1993).

L’exposition à l’Hôtel des Arts dit l’essentiel de cette œuvre suspendue dans l’espace. Baquié n’avait-il pas installé en 1982 un ballon-sonde dans son propre atelier ? Une manière préalable de se détacher d’un monde trop restreint pour son regard.

Début, 1987. Métal, laine de verre, bande son, 65 x 360 x 64 cm. Collection Centre national des arts plastiques Adagp, Paris 2017 / CNAP / Courtesy photo : Galerie Beaubourg.

Exposition « Richard Baquié, Déplacements »
Du 4 mars au 7 mai 2017.

Hôtel des Arts, centre d’art du département du Var
236, boulevard Maréchal Leclerc, Toulon, 04 83 95 18 40, hdatoulon.fr
Entrée libre, du mardi au dimanche de 10h à 18h.

Initialement publié dans Marie Claire Méditerranée