À l’occasion de la 7e édition du Salon Design et Métiers d’Art à Antibes, désormais abrité par la grande foire Antibes Art Fair qui a lieu du 12 au 21 avril sur l’Esplanade des Pêcheurs, suivez nos repérages dont, pour une fois, une bonne part n’est pas du Sud. Un tropisme septentrional largement compensé par le Salon qui met à l’honneur la Tunisie et sa scène design à découvrir sans faute.
Atelier Échos. Cosmogonies textiles
Diplômée en Arts Plastiques avant de s’épanouir dans les ateliers feutrés des maisons de Haute Couture parisiennes (Chanel, Dior, Jean-Paul Gaultier), Clotilde Bailly aurait pu choisir l’éclat du luxe et les tapis rouges brodés d’or. Mais c’est ailleurs que la mène son fil : à Metz, où elle fonde l’Atelier Échos, lieu singulier d’un artisanat sensible et poétique.
Son travail aujourd’hui ? Une exploration sans frontière de la matière textile où la broderie rencontre la céramique, le métal dialogue avec l’organza, et les perles traditionnelles côtoient les découpes laser contemporaines. Clotilde imagine ainsi des échantillons précieux, nés d’un dialogue subtil entre broderie d’art et autres métiers d’art comme la vannerie, l’ébénisterie ou encore le tricot.
À travers ses créations actuelles, dont des kimonos minutieusement teints, brodés et assemblés à la main, Clotilde Bailly poursuit une réflexion esthétique profondément inspirée par les éléments : eau, minéraux, cosmos. Des pièces singulières qui, telles des constellations textiles, racontent autant de voyages intérieurs que de délicates connexions entre traditions françaises et inspirations japonaises.

Vannerie Nomade. Tresser du lien
C’est l’histoire d’un artisanat qui prend racine dans un itinéraire personnel, tressé entre l’Asie, l’Afrique et l’Europe. Une enfance marquée par le mouvement, les contrastes culturels, et un quotidien proche de la nature. Très tôt, les gestes se mélangent et la conscience s’éveille : manger avec les doigts, les baguettes, la fourchette. S’ancrer dans la terre, observer le potager, accompagner un père médecin auprès des communautés de gitans, découvrir les caravanes et leur art de vivre.
C’est dans ce contexte que la vannerie s’impose comme une évidence pour Marion. Un artisanat respectueux, nomade, manuel. Après avoir assimilé les techniques traditionnelles, elle choisit de s’en affranchir, pour se laisser guider par la matière. Ses pièces prennent forme de manière intuitive, toujours unique, prolongement direct de ses émotions et de son environnement.
Désormais sédentaire, elle s’engage dans une nouvelle exploration. Celle des végétaux, de leurs textures, de leurs courbes. Une pratique ancrée dans l’instant, entre souvenirs de marche en montagne et goût du partage. Un artisanat du sensible, façonné par la liberté, l’expérimentation et la volonté de tisser du lien.

Catherine Bailly. Un monde plus verre
Après deux décennies passées à traduire visuellement les histoires des autres, Catherine Bailly a décidé de raconter la sienne : celle d’une rencontre délicate entre verre et végétal. Dans son atelier, elle fait naître de fragiles écosystèmes où le verre filé au chalumeau se mêle au bois flotté, sculpté naturellement par la mer et les années. Herbes folles, lichens délicats, champignons translucides émergent lentement de ses compositions, figées comme dans un rêve végétal.
Dans un nouvel artisanat du feu, Catherine façonne le verre brin par brin en maniant le chalumeau, faisant pousser des paysages végétaux miniatures d’une finesse remarquable. Elle compose chaque pièce en choisissant avec soin ses supports en bois flotté, laissant leurs formes et textures guider son geste. Le résultat : des œuvres uniques et méticuleuses où mousse, herbes et fleurs semblent renaître sous une forme délicate et lumineuse, sacralisant la beauté et la fragilité du vivant avec lequel elles invitent à reconsidérer notre lien profond.

Tilko. Abstraction lyrique sur le fil
S’agit-il d’un paysage abstrait ou d’une vision au microscope ? Chez Tilko, l’art textile brouille volontairement les pistes. Fondé par Maïa Mentrel, l’atelier situé dans les Vosges transforme les chutes textiles des maisons françaises labellisées EPV (Entreprise du Patrimoine Vivant) en œuvres uniques. À partir de fins de bobines de fil de coton ou d’écheveaux de soie, Tilko compose des textures inédites évoquant des cartographies mystérieuses et des paysages organiques.
Initiée à l’artisanat d’art à Paris auprès du designer Tzuri Gueta, designer textile réputé pour ses créations innovantes mêlant silicone et textile, Maïa compose ses tableaux par un subtil jeu de compression et de superposition des fils. Chaque pièce murale, avec ses motifs délicatement colorés, évoque tour à tour des reliefs minéraux ou des étendues végétales. Les fils assemblés révèlent des textures vibrantes et complexes, invitant à une observation intime, tous sens en éveil, où la couleur et la matière évoquent un récit singulier, entre abstraction poétique et réalisme organique.

La LanguOchat. Lumineux quotidien
Depuis leur rencontre à l’école des Beaux-Arts de Reims, Isabelle Royer et Véronique Carlotti façonnent à quatre mains depuis plus de trente ans un univers où lumière et métal dialoguent avec subtilité et poésie. Avec pour véhicule créatif leur atelier La LanguOchat, elles conçoivent des luminaires spectaculaires, véritables sculptures lumineuses destinées à sublimer l’espace architectural.
Le duo joue habilement avec le fil métallique – acier, cuivre, argent –, assemblé patiemment à la main par tressage et liage, sans recours à la soudure. Leur collection « Les Lovers » incarne à merveille cette approche, ajoutant de l’esprit à l’ingéniosité : des volumes aux allures de sous-vêtements réalisés en fil de cuivre, mis en lumière par un cintre habilement transformé en support LED. Entre sculpture flottante et objet du quotidien magnifié dans une veine pop, ces pièces se suspendent et dansent comme les fragments d’un quotidien réenchanté. Dans une chambre, une vitrine, un couloir d’hôtel, elles diffusent au-delà d’une lumière douce et inattendue, une vision du design légèrement iconoclaste que n’aurait pas reniée Ingo Maurer.

Lucie Briffaut, Hikari. Lumière brodée
On pense à l’infiniment petit, aux particules dansantes d’un cosmos intérieur. On pense aussi à l’infiniment grand, à l’espace, aux nébuleuses. Dans ses tableaux brodés, Lucie Briffaut tisse entre ces deux dimensions un fil d’or invisible. Elle a nommé son atelier Hikari, « lumière » en japonais, pour souligner la prépondérance de la lumière à ses yeux, qui ne se contente pas d’éclairer mais devient sujet à part entière, matière, obsession.
Formée dans les coulisses exigeantes de la Haute-Couture parisienne, Lucie a affûté son regard, son geste et son exigence pendant plus de dix ans. Aujourd’hui installée à Strasbourg, elle réalise des œuvres brodées à la main, combinant le fil, les perles et les paillettes sur des tissus délicats comme l’organza de soie ou la toile de lin. Elle travaille à l’aiguille ou au crochet de Lunéville, donnant naissance à des tableaux lumineux, où chaque point, chaque reflet compose un motif abstrait inspiré de phénomènes optiques, d’énergies invisibles ou d’observations célestes. Ses pièces, souvent présentées sous forme de cadres, évoquent des cartographies sensibles de la lumière et du mouvement.

Adriana Lau. Orfèvrerie vivante
Il y a dans les lignes d’Adriana Lau quelque chose du silence des Andes, et de la lumière minérale du Sud. Originaire du Pérou, installée à Marseille depuis 2017, cette bijoutière d’art cultive l’épure comme un langage intime. Ses pièces ? Des fragments d’architecture, de nature ou d’orfèvrerie ancienne, passés au tamis d’une sensibilité contemporaine. Une géométrie sobre, presque méditative, qui joue sur les creux, les ombres, les vides habités.
Formée à Paris après une première initiation au Pérou, Adriana conçoit et façonne chaque pièce dans son atelier à Marseille : bagues, boucles, colliers, mais aussi objets d’orfèvrerie en laiton comme des bougeoirs ou des coquetiers. Elle travaille l’argent 925, le laiton et le vermeil selon des techniques traditionnelles : repercé, forge, soudure. À ces gestes précis s’ajoute depuis peu une ouverture à d’autres matières — céramique, verre — à travers des collaborations avec des artisans céramistes et verriers.

Ludifile. Fibre narrative
Chez Ludifile, la création commence par la matière : une laine locale, brute, parfois rêche, toujours précieuse. Dans son atelier installé entre vignes et vergers, au pied du Jura, Ludivine Gérardin crée des tapis et objets en feutre de laine issus de brebis rustiques, une démarche en circuit court, éthique et engagée. Chaque pièce est feutrée à la main selon la technique du feutrage humide, valorisant les particularités de chaque toison : couleur, texture, charge végétale, capacité à feutrer. Des blancs froids aux marrons profonds, la gamme chromatique évolue au rythme des années, du climat, et de la vie des troupeaux. Coussins, têtes de lit, tapis ou tableaux : les formes sont simples, les volumes généreux, inspirés par l’architecture et la nature. Pensées pour durer, ses créations s’intègrent aussi bien dans les intérieurs contemporains que rustiques.Derrière chaque objet, il y a une chaîne humaine de passionné·es : éleveurs, filateurs, associations, artisans. Et dans chaque brin de laine, un peu de territoire, une histoire d’agriculture à taille humaine, un geste pour demain.

Morgane Binet. Baisers volants
Formée à l’École Boulle en ébénisterie, Morgane Binet installe son atelier à Nantes en 2021 avec l’envie de conjuguer tradition artisanale et design contemporain. Dans ses meubles et objets décoratifs, le bois n’est jamais figé : il dialogue avec la couleur, la lumière, le geste. Un langage qui joue la carte de la sobriété formelle, relevée d’un détail inattendu – une laque vive, une incrustation, une marqueterie graphique –.
Morgane s’intéresse de près aux particularités du placage, ce mince film de bois qui laisse apparaître veines, ondes et vibrations. Elle s’en empare pour créer des surfaces sensibles, quasi organiques, où chaque fibre raconte un mouvement, une tension. Avec sa collection Bocca, elle pousse cette approche à l’extrême : un luminaire sans structure apparente, composé uniquement de deux feuilles de placage bois, comme suspendues dans l’air. Le bois y est libre de ses mouvements, vivant, évolutif. La marqueterie, subtilement intégrée, oriente cette dynamique naturelle tout en dessinant une silhouette élégante et fluide.

Pauline Faure. Papier animé
Chez Pauline Faure, le papier se découpe, se colle, se sculpte. Mais il ne se plie jamais à la facilité. Il devient créature, cabinet de curiosités, fragment de nature recomposée. Inspirée par les formes du vivant, Pauline redonne au papier ce qu’on avait presque oublié qu’il pouvait être : un terrain d’émerveillement, fragile et précis, minutieux et poétique.
Installée à Toulouse, Pauline réalise à la main des sculptures uniques en papier, inspirées par les mondes animal, végétal ou marin. Le papier, matériau du quotidien, devient sous ses mains un support d’exploration du vivant, ses formes, ses couleurs, ses fragilités. Jouant délibérément sur la finesse et la délicatesse de la matière, Pauline en révèle toute la richesse expressive. Avec cette fragilité assumée, ce travail au soin extrême, elle réactive notre sensibilité à la beauté du monde naturel et notre lien, parfois distendu, avec le vivant.

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