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Origin Made. L’esprit Mingei à Porto

Du Japon au Portugal, Gabriel Tan cultive l’esprit du mingei : un design humble et sincère, où le geste de l’artisan dialogue avec les formes du quotidien.

« …modestes mais non de pacotille, bon marché mais non fragiles. La malhonnêteté, la perversité, le luxe, voilà ce que les objets Mingei doivent au plus haut point éviter : ce qui est naturel, sincère, sûr, simple, voilà les caractéristiques du Mingei. » 

Ainsi Sōetsu Yanagi définissait-il dans son ouvrage de 1933, l’art du Mingei, l’éthique et l’esthétique de ce mouvement qui revivifia la création artisanale japonaise dans l’entre-deux guerres comme le fit avant lui le courant Arts & Crafts de William Morris en Grande-Bretagne. Popularisé en Occident dans les années 1950 par Sōri Yanagi, le propre fils de Sōetsu, (vous connaissez forcément son tabouret Butterfly), Isamu Noguchi (…sa célèbre coffee table) ou Charlotte Perriand (…ses chaises, tables, tabourets, enfilades, bibliothèques et autres créations pour la station des Arcs), le mingei constitue la vivante incarnation d’un art populaire japonais.

Rompu à la circumnavigation, passé le détroit de Johor, autour de Pulau Ujong, principale île parmi les 63 qui constituent la cité-état de Singapour, Gabriel Tan s’apprêtait à embrasser la mer pour en faire carrière. Pourtant, sa découverte des horizons lointains, il ne l’accomplit pas comme capitaine de navire mais à la barre de son propre studio créatif. Délaissant son rêve de marin, il se forme au design à la National University of Singapore et se frotte par la suite aux paysages urbains de New York, Tokyo ou Barcelone. Le souffle qui le propulse ? Sa fascination pour le mingei qui inspire sa quête inlassable de la forme juste. Il collabore ainsi avec l’américaine Herman Miller, la transalpine B & B Italia, les suédoises Duxiana, Blå Station ou Abstracta, et dirige le style de la japonaise Ariake. Mais c’est en visitant un jour la ville de Porto, sur les rives du Douro, que Gabriel trouve son port d’attache. Les artisans et le savoir-faire qu’il y découvre au fil de ses rencontres donnent vie à son rêve du mingei. Son jeune label Origin Made vient de trouver ses ateliers au Portugal.

© Origin Made

Rejoint par sa femme Cherie Er, transfuge de la finance et désormais responsable de la production photographique, le singapourien puise dans la richesse de l’artisanat lusitanien l’esprit et la matière fidèles sans doute aux préceptes de Yanagi. Reste pour lui à s’associer les services de quelques noms du design international, les scandinaves Jenni Roininen et Kajsa Melchior ou le français Théophile de Bascher, pour transformer les techniques artisanales ancestrales revigorées, et le dialogue entre artisan et designer, en une petite collection d’objets qui exaltent la beauté du quotidien.

Chaise géométrique à l’assise d’esprit shaker ou gainée de cuir, table basse fluide comme une dune de sable, tapis de sols ou muraux qui réactivent le savoir-faire ancestral portugais, sphères de bois lumineuses à la parfaite simplicité, étonnantes sculptures en érable brut où se fige en un geste sculptural la trace du liquide qui s’écoule, la dernière collection d’Origin Made s’intitule Togetherness. Un mot d’ordre universel, où Est et Sud, maîtres artisans et designers se retrouvent sans hiérarchie, dans un brassage culturel et créatif porté par la sagesse du mingei.

© Origin Made

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