Perché sur les hauteurs de Vauban, un appartement lumineux est devenu le cadre du projet Objets Inanimés de Julie Pailhas, ex styliste pour la presse. Plus qu’une galerie, c’est un espace intime où chaque objet raconte une histoire, mêlant héritage, design et création contemporaine. Un lieu vivant, où la création prend vie et se partage.
Ce bel appartement aux murs immaculés et au parquet massif perché sur les hauteurs de Vauban avait un parfum de pied-à-terre idéal. Comme la promesse pour Julie Pailhas, styliste rompue aux plus beaux éditos des grands magazines de mode parisiens, d’un retour aux sources, dans la lumière de Marseille, sa ville natale. L’année 2020, non contente de bouleverser le monde, la pousse à réfléchir et l’espace vide de son appartement lui offre alors le cadre idéal à l’introspection. Déjà, à la faveur de collaborations avec le magazine Milk, elle se sent plus proche des beaux objets à scénographier que de la mode qui, depuis sa rencontre avec Olivier Saillard au musée de la Mode à Marseille, est son quotidien professionnel. L’heure est sans doute à la quête de sens et assoiffée d’humanité. Très vite, d’un saut en avant qui la replace dans la trajectoire familiale d’un grand-père fondateur de l’école d’architecture de Luminy et d’un père galeriste, deus ex machina de l’art contemporain dans le Sud, Julie repense le pied-à-terre en territoire intime où réunir mobilier et objets d’art, classiques historiques et créations contemporaines, comme autant de scènes d’intérieur éphémères, offertes au regard des visiteurs et collectionneurs qui ont la bonne idée de frapper à sa porte. L’idée d’une galerie-appartement n’est pas nouvelle mais elle prend ici une dimension sensible que Julie incarne et revendique dans son projet qu’elle signe de l’antiphrase Objets inanimés.
À la question implicite du poète, Julie répond avec la ferveur que lui procure la fréquentation des beaux objets. Qu’elle soit signée d’un grand nom ou produite de la main d’un·e jeune artiste ou designer, chaque pièce raconte une histoire, suggère un univers, transmet une émotion palpable qui enrichit le quotidien et augmente la réalité. Loin de la froideur sans âme de produits standardisés. Doublant son œil très sûr d’un engagement sincère pour la création, Julie a déjà fait de sa maison une vitrine de choix pour Olivia Cognet, céramiste au succès éblouissant, venue comme elle de la mode, le designer Axel Chay qui, lui aussi, connaît une ascension éclair, ou encore la plasticienne Corinne Marchetti, dont la carrière fut lancée par Roger, le père de Julie, et qui illustre une valeur chère à la galeriste : au-delà de l’amitié, la fidélité. En témoigne sa nouvelle collaboration avec l’artiste Yasmin Bawa, avec laquelle elle entretient un dialogue depuis les premiers jours de sa galerie. Récemment installée dans une ancienne usine de fils à soie en Ardèche, l’artiste a été à ce point frappée par la force du décor naturel environnant qu’elle s’est consacrée à une série de sculptures à base de chanvre sculpté à la main et recouvert de couches successives de plâtre de chaux jusqu’à l’ultime finition en tadelakt dont les nuances changeantes induites par les pigments naturels évoquent toutes les subtilités du monde minéral. Des pièces éloquentes sur notre relation à la nature, la durabilité et le vivant sans cesse renouvelé. Désormais à découvrir dans leur nouvel élément, l’appartement-galerie de Julie.
En parcourant le compte Instagram d’Objets inanimés, on ne peut qu’admirer la cohérence et l’harmonie qui émanent des scènes que compose Julie à partir de pièces exceptionnelles pourtant d’époque et d’origines différentes, mariées par le talent évident de la jeune femme et qu’elle prête à l’occasion pour des projets et commanditaires extérieurs (qu’on se le dise).
Oui, il faut se hâter d’oser, franchir le pas, prendre rendez-vous avec Julie et aller la visiter, en toute simplicité, pour discuter de la beauté du monde et se plonger sans réserve, le temps d’un café, dans un univers rêvé où les objets bien animés s’avèrent les prolongements naturels de nos émotions.
©️ Mathilde Hiley