Au Pays basque, une poignée d’hommes et de femmes, désireux de sauver la culture et l’économie régionales, a transformé la chaise traditionnelle en manifeste de société. Depuis les années 80, Alki réinvente l’artisanat avec une audace rare, mêlant savoir-faire ancestral, esprit coopératif et design impeccable.
Au tournant des années 1980, le Pays basque connaît les affres d’une identité contrariée et d’une crise économique sévère. Fort d’une culture et d’un territoire exceptionnels, le pays veut vivre mais comment faire lorsque ses forces vives le quittent, faute de travail ? 5 hommes font alors le choix de la lutte armée. En employant les armes des compagnons artisans ébénistes s’entend. Ils installent leur atelier dans le village d’Itsasu, en pleine nature non loin d’Espelette, et entreprennent de relancer la fabrication des chaises en bois massif de tradition basque. Symbole de ce retour aux sources, ils nomment leur entreprise Alki, d’après aulki qui signifie chaise en langue d’Euskadi.
Le militantisme infuse leur entreprise, qu’ils fondent sur le mode coopératif pour que profit comme responsabilité soient partagés. En véritables pères fondateurs, ils vont poser des bases si solides que même le terrible incendie de l’atelier, survenu quelques années plus tard, ne pourra effacer. Déjà solidement enraciné, Alki profite des précieuses ressources en chênes centenaires de sa région natale et d’un savoir-faire ancestral. Mais subit la concurrence de pays du Sud comme l’Espagne et le Portugal ou l’Italie, plus attractifs sur le marché du meuble traditionnel. Si le succès de sa nouvelle gamme en bois et fer forgé lui permet de résister un temps, c’est pourtant une réforme en profondeur qui s’impose. Peio Uhalde, son PDG, s’y attèle, en confiant à son ami le designer Jean-Louis Iratzoki la difficile tâche de métamorphoser la production. Alki fait alors sa révolution design. Présentée en 2004 à Maison&Objet, la collection Emea, fruit de cette collaboration à haut risque, est applaudie.
La forme a radicalement changé et les collections peu à peu viennent meubler les institutions muséales, les restaurants en vue, les grands hôtels et les sièges sociaux prestigieux mais le fond, lui, reste intact. Mieux, les valeurs partagées par tous les coopérateurs sortent renforcées, comme l’exprime l’un des films que l’on découvre sur le site web de la marque : “Seuls ceux qui croient en un monde meilleur sont en mesure de le construire”.
L’utopie à l’œuvre fait des miracles, donne vie à des collaborations brillantes avec des designers tels que Patrick Norguet ou Samuel Accoceberry, récolte succès et récompenses, comme en témoigne le modèle Kuskoa Bi, première chaise en bioplastique à 80% d’origine végétale, vendu dans le monde entier, ou le tout récent Monocle Design Award 2024. Et s’incarne aujourd’hui dans un formidable projet baptisé Lantokia – ou lieu de travail en basque –, atelier zéro énergie flambant neuf installé à tout juste 5,3 km de l’entreprise historique. Piloté par Eñaut Jolimon de Haraneder, ancien directeur industriel devenu PDG, avec l’agence LeibarSeigneurin Architectes, le chantier est exemplaire. Parfaitement intégré à la topographie, il distille la juste quantité de lumière et se passe de chauffage ou de climatisation, son toit recouvert de panneaux photovoltaïque complétant sa construction durable. Pas seulement au sens environnemental – Alki étant aligné avec 10 des principaux engagements des Nations Unies – mais sur une échelle de temps qui rejoint la trajectoire de cette entreprise essentielle, justement labellisée patrimoine vivant.
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