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Axel Chay : “J’aime que mes objets fassent sourire.”

Designer autodidacte, Axel Chay associe d’un même geste le mobilier tubulaire moderniste à l’esprit pop des sixties, s’inspirant des couleurs de la Méditerranée pour créer des pièces sculpturales qui inventent leur propre mythologie. 

Commençons par un bref retour en arrière, sur votre parcours et votre passion pour le design…

Je n’ai aucune formation en design. J’ai débuté par une école de commerce, à Lyon, où j’ai rencontré ma femme Mélissa et mon ami Marouane Sadki. Ensuite, je me suis envolé pour Londres afin de suivre un master en commerce international. En réalité, je ne savais pas vers quel métier me tourner. Étudiant, j’avais une certaine appétence pour le design, j’aimais décorer mon appartement avec des meubles et objets originaux. Alors, en parallèle de mes études, j’ai fondé avec Marouane un studio de design nommé Nova Obiecta. Cette aventure a duré huit ans puis nos chemins se sont séparés. Je garde de notre collaboration le fauteuil PARA(D). De mon côté, je suis revenu dans ma ville d’origine, à Marseille, où j’ai continué de créer des objets avec mon frère et mon père, car ils travaillaient dans la société familiale de construction mécanique. Je pouvais donc facilement élaborer des créations en acier, dont la première reste le tabouret Septem. Peu à peu, je me suis fait un nom, jusqu’à exposer dans la galerie/maison d’hôtes nommée Vaste Horizon, à Arles. Sa propriétaire m’a laissé carte blanche pour décorer l’une des suites, en intégrant mes créations et celles de la marseillaise Marion Mailaender. Pour l’occasion, j’ai conçu l’applique Coquillage et le lampadaire Modulation. Mes pièces ont réellement eu du succès lors des confinements où tout le monde se souciait de son intérieur, si bien qu’aujourd’hui, j’exporte vers Shanghai, Dubaï et ailleurs.

Vous habitez Marseille, ville colorée et pleine d’histoire. La Méditerranée, et plus particulièrement la cité phocéenne, influencent-elles vos créations ?

Sans doute, Marseille offre une liberté plus grande, voire débordante, par rapport à d’autres villes. Inconsciemment, la lumière et les couleurs de cette ville s’immiscent dans mes créations. Depuis la fenêtre de mon domicile, j’aperçois le port autonome et ses couleurs vives : verte, bleue et jaune. Selon moi, la couleur rehausse la forme des objets, le tabouret en acier rose Septem en est l’exemple, elle leur confère un tout autre sens, une ambiguïté qui donne à réfléchir, différemment.

Vous concevez des objets aux courbes sensuelles et colorés. Esthétique, fonction, poésie, qu’est-ce qui prime dans vos créations ?

Pour moi, l’essentiel est de créer des objets qui me plaisent, que je trouve beaux, et qui réussiront à s’imposer dans l’espace. La discrétion n’est pas de mise chez moi ! Je m’intéresse particulièrement à l’aspect unique et visuel de mes créations. Elles s’adressent autant aux collectionneurs qu’aux particuliers désireux de donner du relief à leur intérieur trop normcore. Je crée tout le temps et à la fois jamais, un peu n’importe comment. Je refuse de m’enfermer dans un style, ni de le définir, car j’espère évoluer sans jamais répondre à une tendance.

Une partie de vos créations est actuellement exposée à la chapelle XIV, à Paris. Cette exposition s’inspire du roman Le Bar sous la mer de Stefano Benni, une histoire plutôt loufoque. Cette idée de pastiche, de référence et d’humour est récurrente dans votre travail ?

J’aime que mes objets fassent sourire. Comme une vision fantasmagorique dans un quotidien morne. La lampe Phallus illustre cet esprit, un nom évocateur pour une création abstraite et stylisée. Elle rend hommage à la sculpture en marbre Priape (Dieu de la fertilité) de Man Ray. J’y ai associé mon univers graphique en assemblant des formes géométriques élémentaires : un cylindre et trois sphères. L’idée est d’offrir un nouveau regard autour du mobilier sculptural, plus décalé.

À l’atelier, vous êtes épaulé par votre frère, Aimeric. Est-ce un atout de travailler en famille ?

C’est une chance énorme ! Mon frère donne forme à mes prototypes tout en ajoutant sa pâte. Au début, il réalisait toutes mes créations dans l’atelier familial puis, les volumes ayant augmenté, il a fallu déléguer à des artisans français partenaires. Aujourd’hui, Aimeric conçoit plutôt les pièces techniques, en aluminium poli par exemple, et celles vendues en petites quantités. Ma femme Mélissa travaille également avec moi. Je lui expose mes idées, mes croquis, puis elle me donne ses conseils pour les améliorer. L’objectif reste de travailler ensemble, en famille.

Vous avez rénové la Casa Calada, un « refuge arty » pour exposer vos créations et quelques pièces de designers. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce projet ?

Avec ma femme, nous avons acheté une vieille bâtisse des années 1890, conquis par sa vue splendide sur la mer et le port autonome. Nous avons tout repensé pour créer une sorte de , ouvert, à l’esprit presque clinique se mariant parfaitement avec mes créations colorées. Mélissa étant une passionnée du design vintage, elle chine quelques pièces artistiques et les intègre dans notre lieu de vie. On trouve des œuvres cinétiques, des poteries anciennes, des plâtres antiques et du mobilier de designer comme celui de Pierre Paulin encore Étienne-Henri Martin. J’aime ce mélange d’époques et de styles, où les pièces se mélangent et se répondent.

axelchay.com

Légendes 1. Le fauteuil Parad et le tabouret Septem, premières créations du designer marseillais. 2. Axel Chay, créateur autodidacte inspiré par les couleurs de la Méditerranée. 3. Le lampadaire Modulation, acier laqué et globes en verre.