Romans-sur-Isère, Drôme, 1850. La production drapière est en crise partout en France. Or, à Romans-sur-Isère, Drôme, on n’a certes pas de pétrole mais, depuis le Moyen-Âge, on a des tanneries. Une main-d’œuvre abondante, venue de l’industrie textile, déferle alors sur Romans-sur-Isère, Drôme, qui voit éclore une multitude d’ateliers consacrés à un nouvel artisanat florissant : la chaussure.
Les idées fordistes qui, peu à peu se diffusent, la forte demande en brodequins militaires que suscite le premier conflit mondial achèvent la transformation industrielle de Romans-sur-Isère, Drôme, devenue à la fin des années 1930 capitale internationale de la chaussure de luxe. Un statut que les 30 Glorieuses confortent avec le succès de maisons telles que Fenestrier, reprise plus tard par Robert Clergerie, Charles Jourdan, avec 900 paires produites chaque jour en 1948 (quand même), ou Kélian, née dans les années 1960 et stratosphérisée par son fameux tressage main. Tenantes d’un savoir-faire exceptionnel, ces maisons sauront faire face à la concurrence internationale mais pas aux enjeux de la transmission. Rachetées successivement par des investisseurs dédaigneux des réalités de la production, elles finiront par disparaître (ou presque) et avec elles, la splendeur de la chaussure de luxe made in France.
Romans-sur-Isère, Drôme, 1083. Un chiffre qui rappelle, non la prise de Ceuta par les Almoravides mais la distance reliant les deux extrémités de notre territoire hexagonal, la diagonale Menton-Porspoder. Un jour de 2013, Thomas Huriez, gérant d’une boutique de mode éthique à Romans-sur-Isère, Drôme, rêve de fabriquer un jean durable en relocalisant l’essentiel de sa production dans un intervalle maximum de 1083 km. À Romans-sur-Isère, Drôme, à cette époque, on n’a toujours pas de pétrole mais on connaît le financement participatif. Porté par la plateforme Ulule, le lancement du premier modèle imaginé par Thomas et son frère Grégoire n’atteint pas les 100 exemplaires espérés mais le chiffre faramineux de 1 000. L’histoire est en marche. Dès 2014, premier atelier de confection à Romans-sur-Isère, Drôme. L’année suivante, 100% de la production est garantie d’origine France. L’année d’après, l’entreprise lance le premier fil de coton recyclé et le délavage laser faits en France. En 2018, 1083 vole au secours de la filature vosgienne qui tisse 70% de sa production. Relancé sous le nom de Tissage de France, l’atelier se double en 2021 d’une seconde unité dédiée, cette fois, à la confection. Forte de sa centaine de salariés directs, l’entreprise devient l’emblème du made in France au cœur d’un écosystème de marques hexagonales qui, de Saint James au Slip Français, partagent sa vision et les ressources d’une filière textile française qui reprend lentement des couleurs.
Native de Romans-sur-Isère, Drôme, 1083 n’ignore en rien le passé prestigieux de la ville et entreprend très tôt de reprendre pied avec son industrie emblématique en l’adaptant à l’air du temps. Non plus chaussures de luxe mais sneakers durables. Au point que certains modèles, réalisés en partenariat avec Sessile, manufacture héritière du savoir-faire romanais, sont réparables à l’envi, tout comme le jean Infini conçu par 1083. Avec sa nouvelle collection de sneakers basses ou montantes, cuir, coton bio ou denim français, Romans-sur-Isère, Drôme, se prend à rêver d’une renaissance de la chaussure. Témoin, sa Cité éponyme qui rassemble boutiques et ateliers de marques telles que l’éthique Ector, la bien nommée Unsibeaupas, la très sportive Milémil ou l’historique Clergerie. Sans oublier 1083, qui contribue pas à pas à démontrer que le génie français est aussi dans ses pieds.