Beauté

Noziglia. Parfum de lumière

Plongée dans la campagne aixoise, une maison aux allures de finca abrite l’univers poétique de Noémie Rocher. Peintre et désormais parfumeuse, elle tisse une ligne subtile entre art et fragrance avec Noziglia, sa maison de parfum, où la palette olfactive prolonge le geste pictural et capte l’éclat de la lumière.

Plongée dans la campagne aixoise, la maison d’allure discrète dissimule un volume intérieur inattendu habillé de blanc, de bois et de lumière. Avec ses larges ouvertures vitrées sur la nature sauvage environnante, ses allures de finca majorquine, ses œuvres disséminées dans un joli désordre de vie, elle invite à se poser et prendre le temps. Un cadre qui se révèle en harmonie avec la maîtresse des lieux, Noémie Rocher. Baignée dès l’enfance dans les parfums et la cosmétique végétale, elle est née forte d’un nom mais a choisi, cherchant ses propres chemins de traverse, de se faire un prénom. Avec délicatesse et sensibilité, s’excusant presque. 

Noémie affectionne les grands formats de toile qu’elle peint comme si elle entrait dans la matière, dans une quête intérieure de lumière que l’on voit poindre, distinctement, sous les fines couches successives de peinture qui composent ses paysages papillonnants et fabriquent leur profondeur. En fait de papillons, ce sont les insectes qui passionnent l’artiste. Les phasmes particulièrement dont elle s’est inspirée pour la création du logo de la maison de parfum qu’elle a fini par créer, comme l’aboutissement d’un rêve d’enfant. Une typographie tout en finesse et en légers manques, aux empattements anguleux qui évoquent les branches d’arbres que reproduisent ces insectes mimétiques. Comme par un même processus d’effacement, Noémie a choisi pour sa marque le nom de sa grand-mère, Noziglia, qui rappelle ses racines italiennes ainsi qu’une figure familiale inspiratrice. Trois ans durant, elle a dialogué avec trois artistes parfumeurs pour créer ses trois premières fragrances, une quatrième viendra bientôt. La première, Expeau, traduit en un mot-valise sa volonté d’un art total qui ferait se rencontrer peinture et parfum à fleur d’épiderme. Comme le réalisent littéralement ses boîtages qui intègrent de mini reproductions de ses toiles, jouant en transparence avec le flacon qu’elle semble envahir. Boîtages qui se transforment eux-mêmes en mini-socles noirs, présentoirs astucieux qui suffisent à illustrer le soin extrême apporté par Noémie à tous les détails sur lesquels elle a veillé jusqu’au bout. Signé Francis Kurkdjian lui-même, Expeau convoque la fraîcheur lactée du cèdre de Virginie, l’arôme du cacao, l’évocation de la vanille poudrée et la sensualité du musc.

L’idée ? Reproduire le souvenir d’enfance olfactif de la poupée Corolle. L’exploration plus attentive de l’univers de Noémie nous apprend son goût pour la musique et l’importance qu’elle tient dans son processus créatif. Ici, c’est Courtney Love, époque Hole, qui lui a servi de muse, extravertie et assumée, comme un idéal auquel elle aspire. Noir d’encre, la seconde création signée Annick Ménardo, une autre artiste du parfum de haute renommée, renvoie aux toiles à l’encre de Chine qu’affectionne Noémie Rocher. Jouant avec la lumière à la façon du célèbre Outrenoir de Pierre Soulages. Ou du romantisme noir de Leonard Cohen, invoqué ici encore par la créatrice. De lumière il est question, celle luxueuse et poudrée de l’Iris précieux, que rencontrent la douce chaleur de l’opoponax, le magnétisme du musc et de l’ambre, la sensualité sombre de la myrrhe et la brume boisée de la résine oliban. La troisième fragrance, signée Françoise Caron, autre très grande signature du parfum, emprunte son titre oxymorique à la série de peintures que présenta Noémie il y a quelque temps à la galerie Kamel Mennour à Paris. De fait, Mélancolie euphorique procède à la manière de l’artiste, par fines couches à la transparence superposée, comme une distillation de la lumière, palimpseste olfactif où chaque état successif vient révéler les autres. Teinte piquante de la bergamote, sfumato du cassis, majesté de la rose ottomane, voile de musc et de cèdre blanc.


Un subtil équilibre qui puise sa force dans les ingrédients naturels, privilégiés dans les compositions, et sans doute la personnalité de l’artiste qui poursuit, entre sa nouvelle vie de parfumeuse avec Noziglia et son travail de peintre, dans l’intense préparation de sa prochaine exposition personnelle, un chemin lumineux et singulier profondément séduisant.

© DR

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