Édition du 27 janvier 2023
27.01.23, n°140
La semaine passée, nous payions notre tribut à dry january en valorisant les utilisations alternatives du raisin, aptes à nous intéresser plus au flacon qu’à l’ivresse. Puisque nous y sommes, passons donc cette semaine à veganuary, autre élan collectif de saison auquel notre instinct peu grégaire nous confronte et qui, pourtant, recouvre une réalité que nous défendons. En l’occurrence, inspirés autant par la philosophie One Health, rappel implacable que les destins de l’humain, de l’animal et de la planète sont intrinsèquement et indéfectiblement liés, que par le nouvel an chinois qui met en vedette le très fragile et précieux lapin d’eau, nous dédions cette livraison hebdomadaire au soin animal. Car, oui, nous pouvons nous vêtir, nous chausser, nous entretenir, nous alimenter sans pour cela génocider les populations animales qui ne nous ont rien demandé. Et pour vous prouver que penser cruelty free ne revient pas à prendre un aller simple pour une cabane sans eau ni électricité dans un causse septentrional du Massif Central, notre sélection se veut sexy et fun, design et soignée. On n’est pas des animaux.
Salon MillésimeBio, du 30 janvieer au 1er février, Montpellier: En 2023, le mondial du vin biologique et autres boissons alcoolisées biologiques fête ses trente ans au Parc des Expositions de Montpellier. Occasion de découvrir la production de 1 430 exposants, venus de 20 pays avec, enfin, un espace dédié à la jeune génération vigneronne. Dégustez en n’oubliant pas de recracher (dry january oblige). Le programme ici.
Yves Klein à Aix-en-Provence jusqu’au 26 mars : À l’Hôtel de Caumont, les jardins secrets d’Yves Klein sont déflorés et mettent en lumière sa part de fragilité. Hommage à l’homme, à l’artiste, à son processus créatif et son impact considérable sur l’histoire de l’art en à peine huit ans d’activité. Plus d’information par là.
Du 28 janvier 2023 au 8 janvier 2024, 50 ans du Musée Chagall, Nice: Pour fêter le demi-siècle de sa création, inaugurée par Chagall lui-même le jour de son anniversaire, le 7 juillet 1973, le Musée invite une série d’artistes contemporains à se confronter au travail du maître des lieux. Premier acte, du 28/01 au 30/04, carte blanche au danseur et chorégraphe Asier Edeso, à l’artiste plasticienne Makiko Furuichi (exposée il y a quelques semaines de cela au Dojo, notre espace à Nice, ndlr), à la danseuse et chorégraphe des Ballets de Monte-Carlo Mimosa Koike, et à l’écrivain Stéphane Lambert. Tous les détails ici.
Samedi 28 janvier, Prendre soin à Marseille : Au conservatoire Pierre Barbizet et à la Fabulerie, cette nouvelle soirée s’inscrit dans la huitième saison de conférences et d’ateliers philosophiques, organisée par Opera Mundi à Marseille jusqu’au 17 mai 2023. Sur le thème Prendre soin, de soi, de la planète et des autres, une multitude de sujets sont abordés à travers différentes formes et intervenant·es, philosophes, géographes, microbiologistes, critiques, artistes, ou chef.fes. Comme un écho à notre thème de la semaine à détailler ici.
Cactus au cœur tendre
En langue basque, Bihotz signifie le cœur et c’est peu dire que la marque éponyme n’en manque pas. Déterminée à ne plus exploiter de nouvelles ressources pour produire ses créations, Bihotz cultive depuis cinq ans une maroquinerie vegan, faite en France à partir de matériaux éco-responsables. Chaque sac est dessiné à Bayonne par Céline, créatrice de la marque, avant d’être réalisé dans le Tarn par un atelier labellisé EPV (entreprise du patrimoine vivant). L’ensemble de la collection utilise un cuir végétal de belle allure, provenant de feuilles de cactus mûres, associé à un suède au toucher sensuel, dont on est loin de se douter qu’il est tiré d’un assemblage hétéroclite et improbable de bouteilles plastique et de pellicules de films recyclées. La jeune marque s’inscrit ainsi dans une démarche éco consciente, qui privilégie une production respectueuse, autant de l’animal que de l’humain sans oublier la terre, qu’elle soit basque ou planétaire. Faisant déjà travailler une vingtaine d’artisans, la marque trace une ligne éthique où créations soignées et intemporelles s’accompagnent de couleurs sobres et élégantes. Si l’essentiel est invisible pour les yeux, on voit surtout très bien avec le cœur, comme chacun·e sait. La preuve en détail ici.
Crédit photo: © Bihotz
Les gens bien ne font plus l’animal.
Fondatrice designeuse de Good Guys Don’t Wear Leather, Marion Hanania, en pionnière incontestée de la chaussure vegan française, a fait ses premiers pas à Paris dès 2011, après avoir trainé ses guêtres chez Isabel Marant, Dévastée ou Feiyue. Ses collections pour Good Guys mais aussi Cool Girls sont made in Europe, quelque part entre l’Italie, l’Espagne et le Portugal, pensées pour marier éthique et durabilité en optant pour des matériaux eco-friendly et non toxiques. Ainsi en va-t-il de la collection Good Guys don’t Wear Leather, entièrement réalisée en Apple Skin, cuir végétal biosourcé composé à plus de 50% de fibres de pomme, issues des déchets de l’industrie agro-alimentaire. Adam pouvait-il se douter que les épluchures du Jardin d’Eden produiraient un jour des santiags, boots dorées, argentées et autres sabots ? Par-delà le bien et le mal, le tour de force de Marion est d’avoir converti au véganisme des maîtres chausseurs italiens sérieusement à cheval sur la tradition. Résultat, la marque est estampillée PETA Approved et les veaux, vaches et agneaux applaudissent. Elle a en outre décroché deux PETA Awards, en 2014 et 2015 (“Meilleures Chaussures Hommes” et “Marque Vegan à suivre”), suivis d’un Fashion Net Award en 2015 pour “Best Vegan Brand”. Depuis les Standells, on savait que les Good Guys ne portent pas de blanc. Désormais, on retiendra qu’iels ne portent pas plus de cuir animal. Vegan rocks!
Crédit photo: © Good Guy don’t Wear Leather
Alénore, reines vegan
Anne-Laure et Noémie partagent une amitié d’enfance et le fait d’être toutes deux jeunes mamans. Autant dire que leur marque de haute maroquinerie Alénore, créée en 2020, a mis d’emblée éthique et fonctionnalité au cœur de son projet. Les sacs et accessoires en Apple Skin sont fabriqués à la main en circuit court dans le Sud-Ouest, au sein d’un atelier familial labellisé EPV, et vendus en pré-commandes pour éviter toute surproduction. Alénore ne produit pas de déchets et confie ses transports à un professionnel neutre en carbone. Quant aux modèles présentant des défauts minimes, joliment baptisés appelés les imparfaits, ils sont proposés à prix léger, pour éviter destruction et donc pollution. Les deux super mums ont voulu leurs modèles engagés, durables, adaptables à toutes les situations – esprit pratique oblige – et peuvent se targuer d’être PETA approved. Sur chacune de leurs créations, séduisantes de douceur classique, le nom de la marque, que l’on devine imbrication de leurs deux prénoms, est tracé au fil d’or manuscrit et n’est pas sans évoquer les illustres Aliénor d’Aquitaine ou, avant elle, Aliénor de Provence qui toutes deux épousèrent un roi d’Angleterre et se hissèrent sur le trône outre-Manche. Souhaitons à nos vegan queens d’être à leur tour couronnées de succès.
Crédit photo: © Alénore
United creatures of the world
Roman Raibaudi est lyonnais et il aime du même amour sa famille bien sûr, qui lui a transmis ses valeurs de respect et de cœur, mais aussi tous les humains et les animaux. Pour les réconcilier, le créateur a imaginé une ligne de maroquinerie vegan en cuir végétal réalisé à partir de peau de raisin, réunissant des sacs et accessoires pour homme et femme (pochette rouge à lèvres, porte-clé, étui à lunettes, bracelets, trousse à maquillage, porte-cartes) et des colliers so chic pour chiens et chats. Mieux encore, il a décidé que 12% du fruit de ses ventes seraient reversés à l’inflexible association L214 qui se bat contre la cruauté envers les animaux. En réduisant le processus de fabrication de ses sacs et accessoires au strict minimum, il a su limiter les coûts et démontrer qu’un autre modèle que l’ultra-libéralisme sauvage est possible. Non content d’utiliser exclusivement des matières premières végétales, il veille sur son empreinte carbone en ne faisant appel qu’à un nombre réduit de sous-traitants de proximité. Pour découvrir cette belle harmonie, que l’on n’a guère revue depuis l’arche de Noé, voire offrir un collier de créateur à votre boule de poils préférée, lisez tout sur Roman.
Crédit photo: © Roman Raibaudi
Ai no corrida
Ce n’est pas pour insister sur le fait que la France est à la traine en matière de conscience environnementale mais on ne peut pas s’empêcher de regarder ce qui se passe par-delà nos frontières méditerranéennes. Aujourd’hui c’est l’Espagne, faisant fi des clichés, qui montre la voie avec trois marques 100% durables et presque aussi vegan.
Créée en 2008 à Barcelone par une bande d’amigos prêts à en découdre avec l’industrie de la mode, Thinking Mu défend un modèle plus juste, plus conscient, transparent et vertueux, pour celles et ceux qui n’aiment rien faire comme tout le monde (ça vous rappelle quelqu’un ?). Résultat : des vêtements colorés, dans l’air du temps, réalisés à base de fibres recyclées, biologiques et labellisées fairtrade. Comme gage de sa transparence et de son engagement, la marque affiche empreinte carbone, consommation d’eau, production de déchets, matériaux utilisés directement sur son site web. L’emblème de Thinking Mu, le soleil, s’avère tout à la fois symbole assumé de Méditerranée, de Barcelone, de nouveaux horizons et d’un réveil collectif face aux enjeux de la mode.
Tout aussi ibérique et sympathique, Flamingos Life fabrique, depuis 2015 dans ses ateliers de production à Elche (province d’Alicante), des chaussures à partir de déchets de végétaux recyclés, comme le maïs ou le bambou, et utilise des lacets en coton bio, cultivé dans de petites plantations respectueuses de la Terre et des humains. Le fondateur de Flamingo’s Life, Carlos Garcia, travaille main dans la main avec l’association Agua ONG pour construire des accès à l’eau potable en Ouganda (1 000 personnes ont depuis accès à l’eau), ou avec Eden Reforestation Projects pour replanter des arbres à Madagascar et au Mozambique, avec au compteur 239 853 arbres plantés. La marque collabore aussi avec Waste Free Oceans pour l’élimination de déchets dans les fonds marins, avec quelque 22 tonnes de plastique déjà collectés. Tout est pensé pour réduire l’impact carbone de la production sans réduire celui du style et surtout pour maintenir durablement à zéro le nombre d’animaux transformés en soulier. Classiques, intemporelles ou vintage, leurs sneakers sont non-genrées et chaque paire affiche son score environnemental.
Dans un bel exemple de darwinisme de mode, la barcelonaise Walk with Me invite ses afficionados à suivre le mouvement avec son mantra We walk, We evolve. Chantre d’une maroquinerie fun réalisée à partir d’un cuir cruelty free appelé Future leather, fait de microfibres recyclées, la marque prône une ligne claire avec ses créations simples et sans détour, colorées et inspirantes. Son approche évolutionniste créative nous persuade qu’un futur plus respectueux est à notre portée et que le salut est dans un mouvement collectif et conscient. Sur son site web, la marque propose des guides à expérimenter, parcours urbains réalisés par des locaux, sac en bandoulière et nez au vent. Bien plus qu’une collection de sacs et accessoires cool et pratiques, Walk with Me incarne non le sulfureux fire lynchien mais une nouvelle humanité générationnelle.
Crédit photo: © Thiking Mu
L’éthique à fleur de peau
Pour éviter toute confusion avec une célèbre marque danoise et sans doute évoquer le fait main comme l’aura dorée qui enveloppe ses créations, Manon Pandora a fusionné ses deux prénoms pour créer en 2017 sa marque éthique Manora. Puisant son inspiration dans le soleil marseillais, la créatrice a d’emblée fait le pari de revaloriser l’artisanat français. Chacune de ses créations est unique, créée à la main, fondue en Ardèche puis dorée à Paris. Son engagement, Manon le manifeste avant tout dans son choix de travailler l’or recyclé, certifié RJC (Responsible Jewellery Council), qui atteste d’une extraction à impact écologique limité, du respect des droits humains tout au long du processus et d’une qualité certifiée. Pour limiter les transports et ainsi l’empreinte carbone de la marque, les collections Manora sont uniquement distribuées en Europe. En reversant chaque année 5% de ses bénéfices à la lutte contre le cancer, la créatrice incarne une génération où talent et conscience parlent d’or.
Crédit photo: © Manora Bijoux
Cruelty free Zone
Lancée au tournant du siècle par un père chimiste et ses deux filles, installée depuis 2005 au pied du Mont Ventoux, Aroma Zone n’a pas peu contribué à populariser l’utilisation des huiles essentielles. Après avoir diffusé en ligne uniquement ses foisonnantes sélections de produits naturels, c’est en 2014 que l’enseigne s’implante physiquement au cœur de villes, sur le modèle de la boutique de Nice qui vient d’ouvrir, douzième en France après celles, autour de nous, de Marseille, Montpellier ou Aix-en-Provence. Sur 187m2 dédiés à l’aromathérapie et à la présentation des – tenez-vous bien – 2 300 produits référencés, Aroma Zone déroule son savoir-faire de précurseur des cosmétiques DIY et naturels. Sur place, naturopathes et conseillers mais aussi tablettes numériques et force QR codes informatifs sont là pour vous guider. Deux bars à vrac, l’un à savons, l’autre à huiles végétales, encouragent une consommation raisonnée et limitent l’impact environnemental des packagings. Des kits d’huiles essentielles au kit DIY pour créer ses produits d’entretien ménager, en passant par des soins cheveux, crèmes visage prêtes à l’emploi, ou à booster avec des actifs naturels, des super-aliments, une ligne au CBD, prévoyez un peu de temps pour faire le tour de la question. Travaillant avec des producteurs du monde entier, qui privilégient l’agriculture biologique ou les emballages recyclés, Aroma Zone reste fidèle à ses engagements en soutenant l’association One Voice, qui milite, en chantant ou pas, contre les tests sur les animaux.
Crédit photo: © Ma pochette beauté – Aroma Zone
Le talent à l’état végétal
D’origine non animale et surtout non identifiée, la cuisine intuitive de Claire Vallée a un jour déboulé depuis sa table créative d’Arès, en bordure du bassin d’Arcachon, pour stupéfier les caciques de la gastronomie hexagonale et décrocher sans coup férir la première étoile vegan de toute l’histoire du guide rouge. Inconsolables de ne jamais avoir pu faire le voyage et l’expérience – la vague scélérate de C19 et la pénurie de personnel ayant forcé l’opiniâtre Claire à baisser le rideau –, nous pouvons néanmoins nous délecter de ses recettes végétales géniales et de son regard inspirant en feuilletant les pages de son ouvrage intitulé, comme feu sa table, ONA (pour origine non animale). Nous ne saurions que trop vous conseiller de vous essayer à les reproduire, non seulement pour épouser une autre philosophie de la cuisine mais aussi dans un élan commun et incantatoire pour que refleurisse très vite ONA, épisode 2.
Crédit photo: © ONA
Légende vivante au Musée Granet, Aix
À partir du 28 janvier, couvrant plus de 700 m2 d’espaces muséaux, l’exposition que le Musée Granet consacre à David Hockney, en partenariat avec la Tate Gallery, fait figure de rétrospective événement. Le plus célèbre sans doute des artistes britanniques vivants – vous connaissez évidemment ses œuvres pop art représentant des piscines, telles Portrait of an Artist ou encore The Splash – voit ses 60 années de carrière présentées dans toute leur richesse et leur profondeur. Tirant son inspiration de l’imagerie populaire aussi bien que de l’histoire de l’art, l’artiste n’a eu de cesse d’expérimenter dans les champs traditionnels de la peinture, de la gravure et du dessin, mais aussi dans ses travaux photographiques et, plus récemment, son utilisation des technologies numériques, remettant en question notre point de vue sur le monde, à travers les thèmes classiques que sont la nature morte, le portrait et le paysage, et ses obsessions caractéristiques pour la perspective et la représentation. En 9 sections de 1950 à aujourd’hui, une sélection d’œuvres issues de la Tate Britain et de collections privées à voir absolument avant le 28 mai. Toutes les infos sur le site du Musée Granet.
Crédit photo: © Mr. and Mrs. Clark and Percy, [M. et Mme Clark et Percy], 1970-1971, acrylique sur toile, 213,4 x 304,8 cm, Tate, don des Amis de la Tate Gallery 1971, © David Hockney, Photo : Tate