
Édition du 14 octobre 2022
14.10.22, n°129
Plus alarmant, si c’était possible, que le dernier rapport du GIEC (dont l’une des rédactrices, Julia K. Steinberger a été arrêtée et placée en garde à vue il y a quelques jours pour avoir bloqué un axe routier à Berne dans un acte de désobéissance civique), le rapport Planète Vivante élaboré par le WWF avec la très sérieuse Société Zoologique de Londres nous fait frémir : en 50 ans, les populations d’animaux vertébrés sauvages ont diminué de 69% sur toute la planète. Et pendant ce temps-là, dans les Landes, la Gironde, le Lot-et-Garonne et les Pyrénées-Orientales, le gouvernement réautorise les méthodes de chasse les plus obscures dites aux pantes (filet horizontal) et à la matole (cage tombante) qui déciment l’alouette des champs et autres volatiles non-inscrits sur les listes électorales. Alors, peu importe que les stations-services soient approvisionnées ou que les cols roulés soient en rupture de stock, il est urgent de se battre pour les bonnes causes. En attendant, il nous reste une plume pour vous parler de parfum d’espoir, de mode solidaire ou de bistrot vivant qui nous réconcilient avec nos prochain·es.

Pop Philo à Marseille : Forgé par Gilles Deleuze, mais rassurez-vous, ici bien plus intelligible, le concept de pop philosophie prend un tour inattendu et malicieux avec cette 14e Semaine de la Pop Philosophie, du 17 au 22 octobre, toujours orchestrée par Jacques Serrano. Après l’esthétique du crime, la figure du zombie, la connerie dans tous ses états, elle aborde cette année le thème Philosophie, rire et chansons qui nesera pas radiodiffusé mais à partager dans la vraie vie, au fil de talks et d’échanges aussi joyeux qu’inspirants. Si vous n’avez pas peur de stimuler vos hémisphères cérébraux autant que vos zygomatiques, réservez tout de suite ici ou consultez le programme là.
Cadavre exquis ressuscité à Marseille : Membre éminent du collectif Festival Polyphonix, imaginé par Jean-Jacques Lebel en 1979, Arnaud Labelle-Rojoux réanime le Cadavre exquis, cher aux surréalistes et reflet de l’esprit du festival, dans un dialogue performatif sans queue ni tête mais de haute volée avec Joël Hubaut. Un n’importe quoi à partager, selon les mots des artistes, samedi 15 octobre à 16h, auditorium du Mucem à Marseille.
Le Grand Repas, près de chez vous : Jeudi 20 octobre, votre ville, votre région, la France entière partageront le même repas et le même menu local de saison. L’idée ? Mettre sur la table des valeurs de citoyenneté, de solidarité et de convivialité, les enjeux d’éco-responsabilité locavore, du bien manger, ou la lutte contre le gaspillage alimentaire. Le tout sous l’égide de grands chefs qui promettent de rendre l’événement savoureux. Pour rejoindre la table la plus proche de chez vous, c’est ici. Bon appétit.
Art et Vintage au Dojo : Ça bouge au Dojo (notre terrain de jeu niçois). Dès aujourd’hui et jusqu’à dimanche 16 octobre, Vinokilo envahit l’espace avec sa sélection de mode vintage. Vendredi 21 octobre, vernissage de l’expo L’intime du Vide, dédiée au dessin contemporain, occasion de fêter autour d’un verre les 85 ans de Marie Claire

Un doux parfum d’espoir
Depuis les bois de Grasse où il est installé, le Groupe Arthes est devenu au fil de 4 décennies un acteur de référence pour la parfumerie, avec des marques comme Jeanne en Provence ou Skil. En marche vers la norme ISO 26 000 (en gros, l’incontournable pour réussir l’équilibre entre performance globale, responsabilité sociétale et engagement environnemental), l’entreprise a rencontré la marque de lingerie nordiste RougeGorge, engagée depuis 12 ans avec Ruban Rose dans la lutte contre le cancer du sein. Résultat, une jolie fragrance avec des notes de mandarine, bergamote, gingembre frais et un soupçon de figue en tête, fleurs d’oranger, élémi et petitgrain mandarinier au cœur, et des notes de fond d’essences naturelles, musc blanc, cèdre naturel et ambrés boisés. Les bénéfices de cette Eau engagée seront intégralement reversés à Ruban Rose. Disponible pour la bonne cause dans tous les magasins RougeGorge.
Crédit photo: © RougeGorgexArthes

Ego déco
En vogue dès le XVe siècle, porté à travers l’Europe par l’humanisme et l’individualisme grandissant, l’art du portrait a d’abord célébré les grands de ce monde, avant de devenir un rituel obligé pour toute grande famille qui se respecte, capitaine d’industrie à l’égo au grand large et autres accrochages généalogiques d’escalier pour manoir de campagne décati. Et voici que, par un saut spatio-temporel et une solide dose de bonne humeur, la Happy Funky Family, galerie d’art en ligne, repimpe carrément le portrait de commande. Principe ? Vous confiez une photo (de nos jours, on n’a plus le temps de jouer les Mona Lisa), vous choisissez en ligne parmi une sélection éclectique de 50 artistes le style et la technique qui vous plaisent, et votre modèle est immortalisé en œuvre d’art sur mesure. Un de ces jours, on vous retrouvera peut-être au musée, qui sait ?
Crédit photo: © HappyFunkyFamily, DALE, Sérigraphie photo et peinture,40x40cm,450€

Moins de plastique en mer, plus d’art sur terre
Derrière la jeune marque marseillaise Hagen Bauer ne se cache pas le binôme Pierre Charlot et Anne-Sophie Haghebaert, cette dernière en profitant même pour exposer ses œuvres picturales au grand jour, à la surface réversible de cette collection créative d’accessoires unisexes. Des sacs cabas, sacs bandoulières et pochettes taillés dans la matière issue de bouteilles plastiques recyclées (r-pet), en une gamme urbaine et colorée où tout est créé, tissé, imprimé, découpé et fabriqué en France, jusqu’à l’assemblage, réalisé à Marseille. Pendant que l’entreprise fait tourner son écosystème de production local, le plastique ne termine pas au fond des mers et l’art enchante les rues de nos cités. C’est déjà pas si mal.
Crédit photo: © Hagen Bauer

Upcycle vertueux
On avait découvert l’engagement et l’énergie créative de Monia Sbouai avec son projet Super Marché, au sein de la « fabrique de biens communs » des Grands Voisins à Paris. Creusant le même sillon qui fait de la création un facteur de lien social, la jeune styliste dirige désormais le style du bien nommé Atelier Regain, marque d’upcycling couture adossée à l’association Frip’insertion créée en 1999 par Emmaüs à Marseille. Alimenté par les lots de textiles, reçus et triés au sein de l’association, l’atelier met au travail des couturières qui réalisent, sous la direction artistique de Monia, des pièces de mode qui ont fière allure. Modèle de slow fashion inclusive, l’Atelier Regain se veut aussi chantier d’insertion, garantissant une activité professionnelle à des personnes en recherche d’emploi ou en développement de compétences. Agents polyvalents, stylistes, couturières, personnel administratif jusqu’au personnel de vente, c’est un écosystème circulaire et solidaire auquel Monia apporte son sens créatif et son goût des autres. La boucle est bouclée.
Crédit photo: © Atelier Regain

Le ris de Veau « boulé », sarrasin, Carotte 18, purée à froid, jus amer
Si le Grand Repas (voir plus haut) vous a mis·e en appétit, voici une recette qui pourrait bien vous valoir 3 étoiles, si seulement vous êtiez dans la tête de Glen Viel, chef médiatique et surtout triplement stellaire à l’Oustau de Baumanière, qui nous la souffle aimablement. Accrochez-vous, c’est du grand art.
Ris de veau
– Ris de veau, 800 g
– Sarrasin torréfié, 50 g
– Jus de veau réduit à glace, 50 g
Éplucher les ris de veau préalablement dégorgés toute une nuit dans l’eau glacée. Portionner à 180 g, dans un torchon, les compresser en boule à l’aide d’une ficelle. Cuire 2 h à 63°C dans un bouillon de légumes puis laisser tirer (reposer, ndlr) 1 h hors du feu. Dans un sautoir, cuire les ris de veau à l’unilatérale dans un beurre moussant, laquer de jus de veau réduit à l’envoi et enrober de sarrasin.
La carotte 18 déshydratée, réhydratée
– Carottes fanes, 20 pièces (8 pour la carotte déshydratée, 12 pour le jus)
Éplucher les carottes fanes (elles doivent peser 30 g). Réaliser un bouillon avec les pluches puis cuire les carottes 9 mn dans ce bouillon. Assaisonner les carottes d’huile d’olive et de sel puis les enfourner sur une plaque à 80° pendant 12 heures, l’objectif étant de réduire une carotte de 30 g à 5 g.
À l’aide d’une centrifugeuse, réaliser un jus de carotte, puis le réduire de moitié. Dans un sautoir, disposer les carottes puis le jus des carottes et laisser cuire à frémissement le temps nécessaire.
À l’envoi, snacker les carottes en pinçant les sucs (les colorer, ndlr).
Réaliser la carotène
– Jus de carotte, 2 l
Réaliser 2 litres de jus de carotte, porter à ébullition puis passer à 2 reprises. Une fois passé et pressé, rectifier l’assaisonnement avec de l’huile d’olive Fruité Noir AOP Vallée des Baux-de-Provence, jus de citron, sel, poivre.
Réaliser la sauce
– Jus de carotte, 1 l
– Pamplemousse, 1 pièce
Faire réduire de ¾ un 1 litre de jus de carotte. En parallèle, mettre un pamplemousse piqué entier au four à 250° pendant environ 1 h 30. Récupérer la pulpe, mixer et tamiser si nécessaire. Incorporer avec parcimonie la pulpe de pamplemousse au jus de carotte réduit, monté avec une noix de beurre frais, huile d’olive, jus de citron, sel et poivre.
Purée à froid
– Carottes fanes, les 4 plus grosses pièces
– ¼ botte de coriandre
– ¼ mangue verte
Sur un marbre peau de requin (type râpe à wasabi), placé au congélateur quelques heures avant, frotter au préalable la coriandre, la mangue verte puis les carottes jusqu’à obtention d’une purée.
Ouf mais miam !
Crédit photo: © Virginie Ovessian
Jaja, Fanfan et Loulou
Las de nous lamenter sur le désert bistrotier que s’avère depuis des temps immémoriaux la bonne Ville de Nice, voici que nous voyons poindre le salut — qui nous vient du port —, où deux exfiltrés des nuits de Pigalle et autre presbytère de publicité messianique sont venus prêcher la bonne parole. Celle, entendons-nous, du vin vivant qui, s’il n’est pas de messe, nous vaut rédemption d’années de sulfites. Celle, chaleureuse et immuable comme seul sait l’être un solide rade de quartier, d’un service — qui devrait être public — où Lee Hazlewood accompagnerait à merveille une assiette de saucisson mariné au vin rouge (probablement d’été), où Arthur Lee serait in love de salaisons auvergnates, et où Paul McCartney promènerait ses moutons avec une jambe de porc tartinée sur du bon pain. Gloire à toi, joli boudoir au doux parfum de retour vers le futur, celui du moins que nous promettaient les années septante, où le café (ici astucieusement sourcé à Barcelone) se buvait filtre et le papier peint à la vibrante chatoyance psychogéométrique s’assortissait en souplesse à nos Tergal pachydermiques. Voués au sacerdoce, Fanfan et Loulou (vous les aviez reconnus bien sûr), accueillent les adeptes de naturalité comme les assoiffé·es d’humanité au n°5 de la rue Lascaris, de 11 h à minuit, sans oublier de voler, en vélo électrique et dès 50 euros, à la rescousse de leurs fidèles en quête parfois nocturne de vérité et de quilles natures (l’une étant dans l’autre comme chacun sait).
Crédit photo: © Marie Genin – Fanfan et Loulou

Qui es-tu Botrylle étoilé ?
18 mois durant, l’artiste d’origine argentine Irene Kopelman a partagé, à l’invitation du MAMAC à Nice, le quotidien des chercheurs du Laboratoire de Biologie du Développement (LBDV) et de l’Institut de la Mer de Villefranche-sur-Mer (IMV), en liaison avec l’Institut de Recherche sur le Cancer et le Vieillissement de Nice (IRCAN). Et subséquemment vécu dans l’intimité de micro-organismes marins, qui constituent tout à la fois un mystère pour la science, un espoir pour la recherche et une source d’inspiration en apparence inépuisable pour l’artiste, comme nombre d’autres, préoccupée par le vivant et son environnement. Loin d’avoir percé les étonnantes capacités auto-réparatrices et reproductives du Nematostella ou du Botrylle étoilé, les chercheurs trouvent dans les études, travaux préparatoires et œuvres délicates de l’artiste un éclairage singulier qu’aucun microscope électronique du monde ne saurait leur offrir. La sensibilité d’Irene Kopelman, sa façon de traduire les évolutions et déplacements vibratiles, la danse même de ces micro-organismes donnent naissance à une exposition que l’absence assumée de dimension spectaculaire rend plus fascinante encore. Cet ensemble discret de dessins sériels, d’étranges aquarelles diaphanes, de sculptures transparentes à mi-chemin du cubisme et de la chronophotographie, de céramiques découpées aux formes matissiennes crée un imperceptible mouvement qui nous entraîne dans une plongée au cœur des profondeurs marines où évoluent ces vivantes énigmes. Irene Kopelman, Dessiner la régénération.
Au MAMAC, Nice, jusqu’au 2 avril 2023
Crédit photo: © Irene Kopelman

Aimer, c’est agir
Brandon Ballengée, lui, est artiste et biologiste. De ce double point de vue, il tire des œuvres dans l’intervalle de la recherche esthétique et cognitive, fruit d’un minutieux travail d’observation sur le terrain, moins contemplatif qu’activiste, comme le traduit le titre de l’exposition Love is to act, à voir pour quelques jours encore au CAIRN de Digne-les-Bains. Invité en résidence de recherche par le centre d’art, l’artiste s’est intéressé aux papillons bas-alpins, connus en Europe pour leur diversité ou leur rareté, mais symboles du déclin qui frappe les populations d’insectes. En 20 ans, entre 70% et 90% des insectes ont disparu des environs de Digne. Une “apocalypse” comme la qualifient certains scientifiques, dont la seule issue, pour l’artiste, est notre réconciliation avec notre milieu naturel. Pointant avec les mots d’Aldo Leopold, légendaire écologiste américain, un amer paradoxe : Nous montons la garde sur des œuvres d’art, mais les espèces représentant les œuvres des éternités sont volées sous nos yeux. Et si vous êtes à Digne, profitez-en pour faire un tour au Musée Gassendi ainsi qu’à la Maison Alexandra David-Néel, et au Jardin des cordeliers qui, avec le CAIRN, forment l’entité Ambulo.
Crédit photo: © Brandon Ballengée
Et pour finir, notre bonus musical qui, une fois n’est pas coutume, nous servira de bulletin météo de la semaine (c’était trop facile). Enjoy!