
Édition du 23 septembre 2022
23.09.22, n°126
En attendant que les éoliennes tournent à plein régime au large de Saint-Nazaire ou ailleurs, que nous nous transformions en fournisseurs d’électricité photovoltaïque comme certains de nos concitoyens ici ou là, que le site de Saint-Paul-Lez-Durance en Provence accouche avec son grand tokamak du nucléaire de demain, nous devrons nous en remettre à la seule énergie décarbonée et durable (espérons-le) à notre portée : la nôtre. Du cœur, de l’imagination, du talent, nous n’en manquons certes pas et cette nouvelle livraison méridionale hebdomadaire devrait servir à le démontrer, mieux, vous encourager. Découvrez donc sans tarder notre sélection exemplaire de la semaine (sans oublier de participer au passage à notre concours pour recharger vos batteries dans Le Luberon).

Vitrines Bleues à Montpellier : Jusqu’au 1er octobre, le collectif de designers Indigo d’Oc teinte de design les devantures des boutiques montpelliéraines, en initiant le mouvement Vitrines Bleues, dans le cadre de la France Design Week 2022. Grâce aux commerces et lieux partenaires de l’événement, des designers et artistes sont invités à valoriser leur savoir-faire en une exposition-parcours de 30 créations à travers la ville, gratuite et à ciel ouvert. Plan du parcours sur indigo-doc.com
Femmes et moto à Aspres-sur-Buech : Du 23 au 25 septembre, le premier festival entièrement dédié aux femmes à moto aura lieu à l’aérodrome d’Aspres-sur-Buëch. L’événement inédit en France est l’initiative d’Alice Peuple, motarde depuis plus de 15 ans, fondatrice du podcast moto « Au Coin du Pneu » et rédactrice de roadbooks pour le guide Michelin Moto lorsqu’elle ne sillonne pas les routes. Le temps d’un week-end d’activités et de partage, elle convie des passionnées autour de l’esprit motard, au féminin : balades sur route et offroad, baptême de l’air, tatouages, instant bien-être, roller, atelier mécanique, entretiens, concerts et karaoké, ça va dépoter.
Utopie à la Friche : Dès ce soir, l’Utopia s’empare de la Friche de La Belle de Mai à Marseille, pour en faire une cité idéale, consacrée aux musiques électroniques et aux solidarités. Durant deux jours, 45 artistes internationaux investissent les 7 scènes et le rooftop pour nous faire voyager au pays des idées. Sur place, découvrez Ecotopia, le marché solidaire avec une sélection de créateurs et artisans de talents, et allez à la rencontre des étranges créatures qui peuplent les lieux le temps d’un week-end à rêver.
Glass Festival à Biot : 2022 est “l’année du verre” – selon l’ONU –, et la Ville de Biot labellisée “Villes et Métiers d’Art” pour le verre depuis 1997 inaugure à propos sa 3e édition du Biot International Glass Festival, du 23 au 25 septembre. Maîtres verriers français et internationaux et Meilleurs Ouvriers de France se réunissent pour démontrer leur savoir-faire unique à travers des expositions, des visites d’ateliers, des initiations au soufflage de verre et de sucre ou encore des ateliers autour de la mosaïque du verre et de création de vitraux.
Dakh Daughters à Martigues : Samedi soir, les Dakh Daughters sont de retour à Martigues au Théâtre Les Salins, pour nous livrer un concert sous la forme d’un cabaret apocalyptique. On se souvient de leur version engagée d’Antigone, en 2017 aux Salins, et de leur passage militant sur la scène de l’Opéra Grand Avignon en janvier dernier. Demain, le collectif féminin interprète Ukraine Fire, un spectacle résistant créé avec Vlad Troitsky, directeur du Dakh Theatre à Kiev, entre poème musical et cri de révolte aux notes explosives.
Fête du miel aux Arcs-sur-Argens : Le week-end prochain, apiculteurs, artisans et producteurs de vin, fromage, olives, et lavande se donnent rendez-vous aux Arcs-sur-Argens pour célébrer la Fête du miel. Au programme, dégustation, concours photos, concerts de Jude Todd et Maxence Musique, Olympi’abeilles pour les enfants, démonstration d’ouverture de ruche, expositions et animations pour nous initier à l’apiculture provençale éthique et raisonnée, et présenter l’IGP Miel de Provence.

Du papier au textile, l’élan de mode positive de CQFD
“J’ai conçu ma marque comme je mène mes enquêtes.” De fait, ce n’est pas un nouveau papier que Céline Bosquet a bouclé pour son journal télévisé mais une véritable entreprise textile, bâtie au fil d’une investigation au plus profond des ateliers du luxe français. Le confinement aura servi de déclencheur et incité la journaliste à embrasser le projet entrepreneurial qu’elle portait intuitivement depuis longtemps. Titillée par ses interviews de grands patrons du luxe, elle a choisi le textile comme champ propice à sa quête de sens. Comment produire en France des vêtements de qualité à des prix accessibles ? Pas de campagne publicitaire à 7 chiffres, ni d’égérie transcontinentale, mais une fabrication en précommande, des marges serrées et un business model de DNVB (Digital Native Vertical brand), qui lui permet de maîtriser l’ensemble de la chaîne, de la conception à la distribution. CQFD est la démonstration qu’une autre mode est possible, respectueuse des savoir-faire mais aussi des différences. Ainsi, elle assume une démarche inclusive, proposant ses pièces du 34 au 56 et même au-delà, adaptant ses coupes à la morphologie de ses clientes plutôt qu’aux courbes optimisées d’une segmentation marketing. Autant dire que nous sommes convaincu·es. Et nous ne sommes pas les seul·es : son premier costume en précommande s’est envolé en quelques jours à peine. Suivent un pull 100% cachemire, merveille de maille italienne qui ne se cache pas derrière un made in France falsifié, plus tard, une ligne homme, dans une même démarche intègre qui redonne le goût et les moyens de s’offrir de beaux vêtements durables. Au fait, Céline est Niçoise (et on n’en est pas peu fiers).
Crédit photo: © Costume CQFD, Photo @LAURENTDARMON.

Guillaume et les filles, en place !
Elles ont choisi un poète illustre pour figure tutélaire, compagnon des avant-garde artistiques, tombé pour la France par amour pour sa culture (remarquez le jeu typographique du logo sans aucun doute inspiré des calligrammes de l’auteur). À gauche de l’hémisphère, Caroline, longtemps directrice financière et animatrice d’un réseau de femmes d’entreprise. À droite, Virginie, directrice de création dans un cabinet d’architecture d’intérieur. Au centre, leur projet : promouvoir le talent, le style et la fabrication française avec leur magasin de mode digital à la direction artistique léchée et à l’assortiment de qualité. Des maisons qui fabriquent en France et habillent femmes, hommes et enfants d’élégance responsable. Premier coup de cœur pour Philippine Saint-Père et ses bodys demi-mesure réalisés à partir de chutes de robes de mariée + spécial dédicace à nos amies d’UltraPanache, pièces uniques de fashion fiction pop culturelle à shopper d’urgence. Pour l’instant, pas de recueil érotique chez Apollinaire mais qui sait ?

FASK, des fashion skills à la fashion school
Non content de cumuler les fonctions de Président de l’UMPH PACA (Union des Professionnels de la Mode et de l’Habillement), d’Administrateur de la FFPAPF (Fédération Française du Prêt-à-porter féminin), l’infatigable Jocelyn Meire, fondateur et animateur du collectif FASK (FAshion SKills), accueille au sein de la toute nouvelle FASK Academy à Marseille la première promo des futur·es technicien.nes de la mode. Appelée de ses vœux par la filière textile, soutenue par les institutions régionales, la structure ambitionne de réimplanter des compétences au plus près des entreprises locales et, au-delà, de participer à la réindustrialisation (plus facile à écrire qu’à prononcer) du territoire. Relocalisation, circuits courts, opportunités de carrières, sous-traitance qualifiée, les enjeux de cette école de production, la première dans le Sud, sont de taille. XXXL.

Oiseaux de paradis
Son amour du métier de plumassière, elle l’assouvit d’abord au sein des ateliers Lemarié, propriété de Chanel et dont Christelle Kocher (rencontrée à l’occasion du festival Openmymed 2018 à Marseille) assure aujourd’hui la direction artistique. Mais son nom délicieusement empreint de poésie, prédestinait sans nul doute Prune Faux, aux paysages de la campagne provençale. C’est là qu’elle est installée et que nous la découvrimes il y a quelques années de celà. Depuis, nous sommes fans de ses créations aussi légères que virtuoses, combinant les plus belles plumes d’oiseaux en d’étonnantes compositions à porter, de ses spectaculaires plastrons d’apparat jusqu’aux délicates bagues coiffées de duvet aérien. Panache (décidément), fantaisie, esprit littéraire, on ne saurait imaginer plus belle illustration d’un génie français.

Un nouveau jardin de beauté
Découverte en plein cœur de l’été, la jeune et jolie marque de cosmétiques naturels Eissensa démontre, si besoin était, le caractère inépuisable des richesses que recèle la Méditerranée. Sise au cœur de la Provence septentrionale à Nyons, la maison a choisi de dédier son savoir-faire à la fabrication de soins visage, corps et main aptes à réconcilier écoresponsabilité et plaisir, efficacité et naturalité, en une gamme courte et florale qui ambitionne également de réduire le nombre de produits dans nos armoires de toilette et, bien sûr, nos traces sur l’environnement. Une solide routine hygiène et beauté qui s’accompagne de quelques contenants zéro déchet de fabrication artisanale, à tester sur le e-shop de la marque. Vous nous en direz des nouvelles.
Prendre la mer pour mettre à terre le plastique
Voilà bien un projet fou comme on les aime, et dont les prémisses nous ramènent à Dakar en 2016. En escale dans la capitale du Sénégal, Simon Bernard, officier de marine marchande et futur CEO de Plastic Odyssey (le projet fou en question) constate l’ampleur de la pollution plastique qui gangrène l’Afrique mais aussi, de façon plus inattendue, l’ingéniosité dont fait montre la population pour récupérer et utiliser les déchets. De cette prise de conscience naît une belle utopie : populariser les solutions technologiques de recyclage pour dépolluer, créer des emplois et inventer l’avenir. Depuis, l’utopie s’est matérialisée en un navire éponyme, qui embarque à son bord des trésors d’inventivité stimulante : un vaste atelier de recyclage, doté de machines low tech pour un traitement simple et efficace des déchets plastiques, d’une zone de pyrolyse qui transforme sur place le plastique en carburant, d’une cuisine zéro déchet expérimentale et d’une salle de conférence et d’expo itinérante sur les matériaux et solutions alternatif·ves au plastique. En missionnaire de l’environnement, le Plastic Odyssey entend parcourir les océans et entraîner dans son sillage l’implantation de micro-usines de recyclage rentables à travers le monde. Soutenue par L’Occitane en Provence ou encore Clarins, l’aventure se prépare à quitter le Port de Marseille. Le temps pour vous d’aller la découvrir et l’applaudir avec espoir et chaleur.

Le bonheur, ça se cultive
Vailhan, Hérault, 151 habitants et sans doute peu d’Amérindiens. Pourquoi donc cette étonnante table moderne, nichée à l’ombre d’un presbytère du XVIIe, a-t-elle pris pour patronyme Äponem qui signifierait « bonheur » en langue Pataxo (ethnie brésilienne qui survit dans l’état de Bahia, n’en déplaise à Jaïr B, ndlr) ? D’abord parce que c’est le sentiment qu’éprouvent la cheffe Amélie Darvas et la sommelière Gaby Benicio depuis qu’elles ont découvert ce lieu magique, presque par hasard, en venant sourcer des vins vivants à distance de leur précédente adresse parisienne du Canal Saint-Martin. Ensuite parce que, tout naturellement, c’est l’expérience qu’elles rêvent de partager avec leurs convives et pour laquelle elles ont appris l’agriculture, cultivant un hectare de potager en permaculture. Et si, finalement, leur quête faisait écho à celle de cette minorité ethnique brésilienne qui lutte pour retrouver sa terre et sa culture ?

La Méditerranée en pleines formes
Attirés par le soleil, mais surtout fascinés par l’esprit et l’art de vivre en Méditerranée, les designers Lucie et Julien ont rejoint le Sud et les palmiers hyérois pour créer Piama. Leur marque de déco éthique au design “tranquille” célèbre le temps et la contemplation et perpétue l’héritage méditerranéen en mettant en lumière les savoir-faire des artisans locaux, revivifié par un design aussi ludique qu’essentiel. Spécialisés dans le développement durable, les créateurs conçoivent, en France uniquement, des objets responsables et résistants, qui une fois usés sont à renvoyer pour être recyclés, bon d’achat de 10 % à la clé.

Humanité migratoire au Mucem
On se souvient de sa série photographique au long cours réalisée dans l’intimité d’une famille de gitans, les Gorgans, vue aux Rencontres Photographiques d’Arles. Le Mucem accueille aujourd’hui une autre série de Mathieu Pernot qui documente quelque dix années passées au sein de communautés de migrants. Mêlant photos, vidéos, documents recueillis, l’Atlas en Mouvement en appelle à l’astronomie, la botanique, l’anatomie, la cartographie ou l’histoire pour exposer un tragique paradoxe : les planètes sont en mouvement, les animaux migrent, les espèces végétales se déplacent alors que des millions d’individus se voient refuser ce droit. Offrant au passage un visage, une profondeur, une proximité touchante à des migrants le plus souvent invisibilisés.
Crédit photo: © réfugiée congolaise, Lesbos (Grèce, 2020) • Mathieu Pernot.
Et pour finir, notre bonus musical, curieuse collab’ sonore qui démontre que le Plastik se remixe très bien. Enjoy.