Édition du 16 septembre 2022
16.09.22, n°125
“La terre est notre seul actionnaire.” Cette phrase d’Yvon Chouinard frappe autant que le geste qu’il vient de réaliser. Le patron milliardaire de Patagonia a choisi de donner son entreprise à une structure, chargée de l’exploiter et de consacrer ses copieux bénéfices (pas loin de 100 millions de dollars annuels quand même) à la sauvegarde de l’environnement. Cet ancien alpiniste, bricoleur de génie, modèle universel pour toutes les entreprises à impact et autres aspirantes B Corp, mérite qu’on le suive bien plus que tous les Elon Musk du monde, fussent-ils sur Mars. Inspiré·es par la belle effervescence arlésienne de cette fin d’été, nous avions prévu une balade camarguaise. Allons-y ensemble d’un pas léger, avec la conviction que le meilleur est aussi dans notre nature. Chapeau M. Chouinard.
Festin de quartier à Belsunce : Parce que le meilleur patrimoine, c’est celui qui se mange et se partage, le festival de quartier des Babelsunciades nous invite à sa table, à Belsunce jusqu’à demain. Tables festives, concerts, danse, performances, cinéma de plein air, marché nocturne et activités, profitez-en, c’est gratuit. Demain à La Halle Puget, ateliers jeune public à 16h, grand banquet concert et open-mic RAP avec Béné6t, Moctuss, La Rage du 13 et des jeunes d’Urban Prod, à 18h.
Jeune photo arlésienne : Pour fêter ses 40 ans, et dans le cadre du festival été indien(s) – qui bat son plein dans toute la ville à partir d’aujourd’hui et jusqu’au 30 octobre (lire plus bas) – l’Ecole nationale supérieure de la photographie d’Arles met à l’honneur ses diplômés 2022 avec l’expo Hasards objectifs. Vernissage ce soir à 18h, entrée libre jusqu’au 7 octobre, dans la salle d’exposition de l’ENSP.
Luma x We love green : Malgré le fâcheux accident de répétition de Redcar (anciennement Christine and the Queens), qui l’empêche de monter sur la scène à Luma Arles samedi 17 septembre, ce nouveau We Love Green provençal ne nous laisse pas en reste. Dansez au son de La Femme, Gazo, Ásgeir, Yunè Pinku, Babysolo33, les pieds dans l’herbe, ou dans la cathédrale industrielle, « La Grande Halle ».
Correspondance à Manosque : Du 21 au 25 septembre, le festival Les Correspondances de Manosque-La Poste célèbre la littérature dans sa plus grande diversité. De la fiction à la réalité, d’histoires poignantes et pointues en récits légers et jeune public, cinq jours de rencontres, lectures et concerts littéraires, où le festival donne à voir, à lire et à aimer les écrivain.e.s d’aujourd’hui.
C’est la foire à Marseille : Du 23 septembre au 3 octobre, le Parc Chanot à Marseille devient restaurant géant sous l’égide de Norbert Tarayre, parrain de la Foire, et avec la complicité des chefs de Gourméditerranée. On arpente les 100 000 m² d’exposition et les 1 000 exposants tous secteurs, rythmés par de nombreuses animations sportives, des nocturnes, concerts, spectacles. Mention spéciale pour les parties de pétanque qu’on imagine déjà endiablées avec La Mariole, boules souples pour parties malignes et tout-terrain. Programme complet sur foiredemarseille.com.
Indien(s) vaut mieux que deux tu l’auras
Sous-titré Cuisine et Art comme pour se souvenir de l’essentiel, rhabillé d’orange par son concepteur, le photographe Hervé Hôte, pour en décupler le potentiel de vie, de mise en appétit et d’énergie joyeuse, le Festival Eté Indien(s), 5e du nom, tire parti de la quiétude d’une saison apaisée pour offrir quelques délicieuses surprises à ses tribus d’indien·nes fidèles. Entre tables et expos, apéro pétanque ou gastro, une centaine de contributeurs, une centaine de lieux pour une sacrée belle fête. À partir d’aujourd’hui jusqu’au 30 octobre.
Crédit photo: © Été indien(s), édition 2021, photo Charlotte Filippin
Derniers jours pour les Rencontres
La foule a reflué et les lieux d’exposition s’ouvrent à une visite intime et sereine pour les derniers jours des Rencontres de la Photographie d’Arles. De l’avant-garde féminine des années 70 jusqu’à la redécouverte de Lee Miller, entre studio glamour et théâtre des opérations, ou Mitch Epstein, pour une décennie d’exploration indienne (tiens, nous y revoilà), sans oublier les témoignages photographiques au plus près de la terre et des hommes, une profusion d’images comme autant de matière à éclairer et penser, à voir absolument avant le 25 septembre.
Crédit photo: © Francesca Woodman, Visage, Providence, Rhode Island (1975-1976) © Avec l’aimable autorisation de The Woodman Family Foundation / Artists Right Society (ARS)/Bildrecht/COLLECTION VERBUND, Vienne.
À l’assaut de la tour
Elle fait figure de totem métallique qui rutile à des kilomètres à la ronde et pourrait constituer, derrière un geste architectural post-moderne, le symbole d’une nouvelle féodalité. Qu’on s’arme de courage, pour explorer les entrailles de la Tour Luma, et l’on découvrira une succession d’interventions artistiques spectaculaires. Parmi cette collection d’installations signées Parreno, Gillick, Eliasson, Höller, Adnan, la plus savoureuse est à goûter au Drum Café, table créative conçue par l’artiste Rirkrit Tiravanija comme une résidence artistique où les chef·fes se succèdent, étonnent et régalent. Si la première résidente des lieux Cécile Pham a filé ouvrir son impeccable adresse Inari dans une chapelle du 13e du côté de la place Voltaire, la nouvelle cheffe en action, Ella Aflalo, s’en donne à cœur joie, puisant dans le terroir arlésien les ingrédients dignes de faire briller sa cuisine levantine de cœur. Kachapuri du moment, ricotta fraîche, courgette, poutargue & jaune d’œuf, Mhalabia à la fleur d’oranger, glace au riz de Camargue & riz soufflé, Thon blanc, aguachile tomatillo, concombre, cerises & amandes fraîches, un feu d’artifice de saveurs et de couleurs qui dialoguent avec l’étrange déco intérieure. Au déjeuner, réservation recommandée.
Crédit photo: © Adrian Deweerdt
Dialogue avec les ruines
Lee Ufan, artiste coréen mondialement respecté et figure tutélaire d’un art qui fait dialoguer les matériaux naturels et ceux produits par l’industrie humaine, a épousé Arles qui l’a aidé, comme il l’avoue lui-même, à renouveler ses pensées. Si l’hôtel Vernon, aménagé par Tadao Ando, offre un cadre idéal à la découverte des recherches artistiques, qu’il poursuit depuis plus d’un demi siècle, la nécropole des Alyscamps accueille un parcours d’œuvres en résonnance avec ce site antique exceptionnel, pour le 40e anniversaire de l’inscription des monuments arlésiens au patrimoine mondial de l’Unesco. À voir avant la fin du mois de septembre.
Crédit photo: © Lee Ufan, Requiem, photo Claire Dorn
La beauté naturellement
Alyscamps, c’est aussi le nom qu’a choisi Julie Faivre-Duboz pour sa gamme innovante de cosmétique. Loin des ruines, certes, mais elle aussi inspirée par la force naturelle qui environne la ville, la richesse du territoire arlésien et au-delà de la Camargue et des Alpilles, elle a mis à profit ses compétences de Docteur en pharmacie, ancienne interne des hôpitaux de Paris, pour concevoir des cosmétiques naturels, éco-responsables faits en France et, avant tout, pour sa famille. Excluant de leur formulation dérivés de la pétrochimie et allergènes, vegan et responsables jusqu’à leur packaging éco-conçu, les 5 lait et soins qui composent la gamme associent efficacité et sensorialité.Comme une première consécration, Alyscamps s’expose fièrement (aux côtés de nos autres chouchous sudistes nidéco et SeventyOne Percent) dans le nouvel espace bien-être des Galeries Lafayette boulevard Haussmann à Paris. Pour la tester, et au passage découvrir son nouveau sérum complet anti-âge visage et yeux, rendez-vous dans sa jolie boutique de la Place de la République à Arles ou ici.
Crédit photo: © Virginie Ovessian
Natures sèches bien vivantes
On ne se lasse pas des merveilleuses créations de Marie Varenne dont la légèreté poétique cache pourtant un engagement presque militant. En 10 ans, 40 % des exploitations horticoles ont disparu et la production de fleurs est désormais aux mains d’acteurs internationaux qui contrôlent le marché. Alors, depuis 3 ans dans sa campagne arlésienne, Marie s’investit dans la culture de fleurs méditerranéennes au fil des saisons et de la façon la plus naturelle possible, au diapason de son compagnon, éleveur bio. Elle glane aussi les fleurs sauvages et graminées de la Crau, feuillages et végétaux de la garrigue, qu’elle laisse patiemment sécher dans la fraîcheur de son atelier, sans ajout de couleur ou stabilisant. Nous l’avions découverte chez Provisions à Marseille, où l’on trouve ses bouquets frais et compositions de fleurs séchées, mais vous pouvez aussi lui faire coucou à l’épicerie arlésienne Bocal&Co, où elle dépose ses bouquets sur commande, ou sur son compte Instagram. Si vous étiez aux Rencontres D’Arles en juillet, vous avez peut-être admiré ses créations fleuries pour la végétalisation du pop-up We are Ona. Pour nos lecteurs et lectrices du nord de la Loire, sachez tout de même que Marie privilégie les circuits courts, au plus près de ses client·es.
On n’a pas de pétrole mais on a BVT
Nous sommes peut-être en retard sur les énergies renouvelables, à la traîne côté photovoltaïque, timorés sur l’éolien, mais nous avons, comme le répétait à l’envi ce mantra gouvernemental des années 70, à défaut de pétrole des idées. La meilleure, pour anticiper un hiver qui pique, entre hausse de la facture et spectre de la coupure, se peaufine depuis 2 siècles et des poussières dans le Comtat Venaissin, très exactement dans les nobles ateliers de la manufacture Brun de Vian-Tiran. Pas d’énergie fossile de sinistre provenance ni de matériaux radioactifs mais du mohair de la plus belle espèce finement peigné et paré d’une teinte solaire qui fait chaud au cœur et au corps. Nouvelle collection Arles, à découvrir ici.
Crédit photo: © plaid houblon, collection Arles, photo Claire Curt.
Insolite Juliette Roche
Elle fut proche des nabis, puis des cubistes de la première heure, fréquenta les dadaïstes aux États-Unis, où elle s’impliqua dans les mouvements féministes et de reconnaissance des minorités ethniques. À la fois peintre et écrivaine, Juliette Roche n’est pas seulement la femme du cubiste Albert Gleizes, avec lequel elle s’engagera pour l’éducation artistique populaire et s’initiera à l’agriculture comme forme nouvelle, ou l’autrice d’un ouvrage légendaire sur Marcel Duchamp qu’elle côtoya. Elle est à redécouvrir au Musée Estrine, à Saint-Rémy-de-Provence, 60 ans après la dernière exposition qui lui fut consacrée, comme un esprit libre et résolument novateur. Jusqu’au 23 décembre.
Crédit photo: ©J uliette Roche, Autoportrait à Serrières, vers 1925, huile sur carton, Paris, Fondation Albert Gleizes ©Musée Estrine – Photo Fabrice Lepeltier.
Et pour finir, notre bonus musical de la semaine, où l’on retrouve l’atmosphère envoûtante d’un artiste que nous eûmes la chance d’accueillir au Dojo (chez nous, à Nice). Enjoy.