Édition du 25 mars 2022
25.03.22, N°105
Peut-être l’avez-vous découvert avec effroi sur une partie inattendue de votre anatomie, un malencontreux lendemain de brume comateuse, ou l’avez-vous au contraire fait exécuter avec fébrilité pour, au choix, marquer votre personnalité, immortaliser un amour indélébile, depuis oublié, ou illustrer votre esprit d’un aphorisme à la profondeur tout juste épidermique. Peu importe. Le tatouage, largement entré dans les mœurs, n’est pas étranger à la faune méditerranéenne, des marins au long court aux marlous des ruelles mal famées en passant par les adeptes d’un culte corporel qui préfèrent l’encre à la salle pour imposer leur présence. Cette semaine, tour d’horizon d’une imagerie méridionale contemporaine qui porte beau aussi bien sur les cimaises qu’à fleur de peau.
Nous vs VIH : Aujourd’hui a démarré le Sidaction 2022. Pourquoi c’est important d’y contribuer (vos dons défiscalisés ici) ? Face à la récente pandémie, au drame des migrants à travers le monde, le VIH, même s’il est éclipsé par l’actualité, reste un risque à combattre, comme nous l’a rappelé le Mucem avec l’exposition VIH/sida, L’épidémie n’est pas finie, à voir jusqu’au 2 mai.
Marseille dans la peau : Ce week-end, 6e édition du Salon International du Tatouage. Démonstrations, concours de tattoos, concerts, mais surtout l’occasion de découvrir des artistes tatoueurs d’exception parmi les 180 exposants provenant d’une douzaine de pays, et pourquoi pas de graver à jamais le souvenir de ce week-end marseillais. Focus cette année sur ces guerrières qui combattent le cancer du sein.
Métiers d’Art et vous : Pour les 20 ans des Journées Européennes des Métiers d’Art du 28 mars au 3 avril, ateliers, Entreprises du Patrimoine Vivant (EPV), musées et monuments ouvrent leurs portes, pour valoriser le fait main et les métiers méconnus. Ex. en Corse où la Chambre des Métiers et de l’Artisanat propose un programme complet.
Peep Shop #2 : le pop-up store immanquable au Dojo, Nice (si vous ne venez pas, on ne vous parle plus)
Samedi 2 et dimanche 3 avril, le Peep Shop débarque au Dojo pour une deuxième édition de son pop-up store foutraque et génial. Mode engagée, vin nature, déco créative, bijoux fleuris, pâtisserie éthique mâtinée de céramique s’exposent dans notre white cube niçois, et pour animer l’événement, ateliers inédits, expos, flash Tatoo, Dj set et apéros, sous l’œil grivois de ses organisateur·trice·s, Dédés, Fanfan et Loulou et Mattina Moderna, avec la complicité de Sudnly.
La mode, la vraie, la tatouée
Toile issue des tentes militaires de la guerre d’Indochine, coupe Bourgeron années 20, boutons en laiton vieilli de la manufacture française corne & corozo, et dos brodé d’un « Je ne regrette rien » , en hommage à la chanson des légionnaires-parachutistes quittant pour toujours leur camp de Zéralda, laissez Fleurs de Bagne vous refaire un look. Depuis 10 ans, la marque s’inspire des vêtements d’autrefois pour concevoir des pièces modernes, robustes, durables et chargées d’histoire, où se cachent des remake de tatouages d’avant-guerre, des chansons des bas-fonds, des récits militaires et autres légendes de la marine. Le Bagne vous va si bien.
Héroïne, la petite aiguille qui vous remet à l’heure
Dans la nuit du samedi 26 au dimanche 27 mars, on change d’heure, peut-être pour la dernière fois. Pour immortaliser l’événement, offrez-vous une montre carrément collector. La manufacture d’horlogerie niçoise Carzo & Lieutier a préparé en secret la sortie de son nouveau modèle Héroïne en série ultra limitée. Design super élégant, certes, mais aussi tournant majeur pour la création française : le coq estampillé au dos du boitier illustre sa production 100 % made in France, fruit de plusieurs mois de recherches pour relocaliser la majeure partie des étapes de fabrication. Une prouesse rendue possible grâce à un nouveau procédé hybride mêlant impression 3D (Metal Binder Jetting) et frittage et usinage CNC. Si vous n’avez pas tout compris, interrogez les experts.
Carrés corses sur fond pop
Une complicité, deux artistes, un carré, deux faces. “Oia” (contraction de “Corsica”) s’abrège de ses consonnes mais pas de sa consonance amicale. Marcè Lepidi (artiste pop) & Julie Cesari (fashion designer) font la paire depuis l’enfance mais c’est en 2016 que leur complicité artistique s’étoffe. Et d’un duo naît un diptyque, une double lithographie recto-verso sur étoffe, donc, qu’ils se révèlent façon cadavre exquis juste avant le lancement de leur collection. Leur toile ? La soie, précieuse, à l’image de leur amitié et du lien indéfectible qu’ils tissent avec leurs fidèles clientes. Clientes qui, d’un œil juste, voient en l’œuvre textile d’Oia Creazione, de véritables objets de collection. Un engouement partagé par Air Corsica qui rehausse désormais l’uniforme de ses hôtesses d’un carré corse aux couleurs pop et printanières.
Crédit photo: © @castalibre
Tattoo et lingerie, les deux font la paire
Près de 20 000 femmes subissent chaque année une ablation du sein et parmi elles, 35 % seulement font le choix d’avoir recours à la reconstruction. Angélique Lecomte en fait partie et si elle accepte pleinement sa nouvelle morphologie (et en parle joliment sur son site web), ses vêtements eux ont plus de mal. Depuis 2020, elle a donc décidé de créer la première alternative aux soutiens-gorge classiques avec Les Monocyclettes, sa marque asymétrique où lingerie, vêtements et tatouages se jouent de la différence. Deux bonnets modulables en dentelle de Calais ou coton Oeko-Tex et/ou bio qui s’échangent et s’assemblent à souhait, une bretelle arrière brevetée chargée pour réduire le déséquilibre. Le bon design sait aussi réparer les psychés.
Naturel, éphémère, ludique, tattoo compris
L’idée d’être titillé·e par une aiguille vous donne des sueurs froides. Vous refusez le marquage ad vitam. Vous êtes allergique aux encres de tatouages (détail qu’il vaut d’ailleurs mieux vérifier avant de se lancer). Voici pour vous 3 tips de tatouages éphémères. 1. Jagwa (Nice). Premier studio de tatouage éphémère en France et garanti zéro bobo. Pour réaliser vos idées de tatouages, les artistes utilisent le fabuleux pouvoir du fruit de Génipa sud-américain, aussi appelé Jagua, qui laisse sur son sillage une teinte bleu nuit naturelle qui tient jusqu’à 3 semaines. Sur place, kits complets et recharges pour pratiquer l’art du tattoo nature homemade. 2. Mon petit tatouage (Cagnes-Sur-Mer). Sur le e-shop, choisissez votre motif parmi les nombreux modèles de tattoo à coller, ou envoyez votre dessin que Mon petit tatouage se chargera de créer. Et pour un événement original, louez le bar à tatouage nomade. 3. Unik Tattoo (Six-Fours-les-Plages). Leur secret : une encre cosmétique à base de pigments végétaux qui respecte la peau. La recette est simple et le rendu, parfait : sélectionnez l’un de leurs 400 pochoirs, appliquez l’encre et saupoudrez d’un nuage de fixateur et vous voilà tatoué·e pour 7 jours. Au-delà, il faudra attendre qu’arrive en France une encre composée de polymères biodégradables capable de tenir jusqu’à un an, mise au point par la start-up new-yorkaise Ephemeral. Patientez ou chopez un billet.
Toute la Méditerranée à l’encre
Elisa di Giò signe de sa griffe le début d’une histoire (et de milles et une autres) un 8 mars symbolique de 2015. La jeune créatrice donne alors le ton de sa douce revendication en cette journée des droits des femmes. Femmes, corps et cœur de son œuvre de papier ou de soie, dont elle dresse le portrait incarné. Corses et méditerranéennes d’hier et d’aujourd’hui, au tempérament de feu, au vécu singulier et à la beauté énigmatique, telles sont ses figures tutélaires qu’elle raconte en lithographies et en pièces-à-porter. Et comme la peau est, pour elle, la plus belle des toiles, sachez qu’elle crée aussi les esquisses de vos histoires à tatouer (ça tombe bien non ?).
Crédit photo: © @monafavoreu
La sauvage de la semaine est bien dans son assiette
Réminiscences illustrées du passé, pimpées d’une touche assumée de modernité, les assiettes décoratives de Melyssa Leandri nous accrochent l’œil (et vont bien au mur). La jeune Ajaccienne, passée par les Beaux-Arts et devenue architecte d’intérieur, fonde en 2019 une Maison Sauvage qui abrite les désirs les plus personnels de ses clientes et se teinte de leurs personnalités intriquées. En clin d’œil aux divinités insulaires, ses murs patchworks solaires, pêle-mêlant souvenirs d’enfance et néo-folklore vernaculaire, composent une fervente collection d’ex votos qui animent tout un intérieur.
Âmes vegan et sensibles, passez votre chemin
Loin de nous l’idée de nous afficher prosélytes de la viande, mais quitte à en manger, autant le faire bien. Installée depuis 1900 dans le quartier du Port de Nice, une boucherie clame son amour pour la qualité, résumé sans ambage en une enseigne fraîchement rénovée : Le bœuf tatoué. Pièces d’exception, fraîches ou maturées, pépites d’éleveurs écossais, argentins ou japonais, volailles d’élite et rotisserie affriolante, charcuterie sourcée en droite lignée auprès de maisons françaises de renom (Pierre Matayron, Laborie, Serin d’Aveyron), épicerie fine et service traiteur au diapason. Leur exigence est si sérieuse qu’elle est tatouée, de la tête aux pieds.
Pierre Charpin à l’Hôtel des Arts
Pour sa programmation hors les murs, la villa Noailles invite des designers à partager leur univers artistique et leur processus de création de A à Z. Pierre Charpin ouvre le bal à l’Hôtel des Arts de Toulon avec une série de dessins colorés aux « traits poétiques », des formes sensibles, légères et libres, des lignes qui se coupent et s’entremêlent, forçant notre œil à déchiffrer un message caché. Chacun de ses « dessin de dessin » évoque l’importance de cette pratique, qu’il ne considère pas comme une simple étape mais comme une part pleine et entière de son travail de designer, plasticien et scénographe. À voir jusqu’au 30 avril.
Crédit photo: © Morgane LeGall
Gilles Barbier et Eglé Vismanté à l’Espace à Vendre
Espace à vendre consacre une exposition à l’œuvre de Gilles Barbier, aussi complexe qu’ambivalente. À travers le dessin, l’artiste se libère des injonctions et donne vie à un univers où tout semble possible, du genre à nous faire perdre nos repères. C’est d’ailleurs ainsi qu’il traduit son intention « J’essaie d’alcooliser le langage ; j’essaie de le bourrer, le faire brouter, le mâchouiller. Dans mes dessins ou mes sculptures, j’aime l’idée d’émulsion. ». Un conseil, venez à pied. À voir en parallèle, les dessins d’Eglé Vismanté qui au fusain, pigments noirs, ou graphite, composent des micro-narrations faites de coïncidences. Jusqu’au 30 avril
Crédit photo: © Lettre aux extraterrestres #7, 2017. Gouache sur papier, 84 x 59,5 cm.
Et pour finir, bonus musical de la semaine qui, s’il reste tabou, n’a toujours pas besoin de bagout. Enjoy!