Quand la légende devient objet. Avec Monoïkos 1297, Leticia de Massy et Charlotte de Pariente trouvent dans l’histoire et les mythes de Monaco matière à créations originales, élégantes et durables.
Depuis le paléolithique et ses cavernes, l’histoire de Monaco est peuplée de légendes. Et quand la légende est plus belle que la réalité, il faut l’imprimer, comme nous l’a appris John Ford. Ou alors, en fabriquer un objet que l’on aimera garder, collectionner, offrir et chérir, comme s’y emploient Leticia de Massy et Charlotte de Pariente avec leur jeune maison de luxe Monoïkos 1297.
Mais d’abord, revenons aux légendes de Monaco. La première, mythologique, veut qu’au cours de ses célèbres Travaux, Hercule se soit un temps reclus sur un rocher dominant la Méditerranée. Il s’appelle encore Héraclès, chronologie hellénistique oblige, et son escale devient colonie grecque, par l’arrivée des Phocéens de Marseille au VIIe siècle avant notre ère, sous le nom de Monoïkos (du grec monoecus, “celui qui vit seul”). Une légende que la Révolution française remettra en lumière lorsque la Principauté, rattachée par la Convention à la France en 1793 (et jusqu’en 1814), deviendra pour un bref intervalle une commune renommée Fort d’Hercule.
Une autre de ces légendes fondatrices, sans doute la plus célèbre, est attachée à la malicieuse figure de François Grimaldi. Guelfe chassé de Gênes, il va, par son audace, permettre à son cousin Rainier de s’emparer de la forteresse de Monaco en s’y introduisant, avec l’un de ses compagnons, sous la robe de bure de moines franciscains. Monaco signifiant moine en italien, cette coïncidence troublante ne fait qu’amplifier la légende. Nous sommes en 1297.
Dévote naît en Corse un jour de 283. Fervente chrétienne, elle est arrêtée et suppliciée sur ordre du tristement bien nommé Gabinius Barbarus Pompeianus, gouverneur de Sardaigne-Corse au temps de Dioclétien. La dépouille de la défunte est chargée sur une barque à destination de l’Afrique mais une tempête la détourne et l’envoie s’échouer sur le rivage de ce qui sera plus tard la Condamine à Monaco. Selon une autre légende, des voleurs tenteront de dérober les reliques de la martyre canonisée, à bord d’une barque qui sera rattrapée et brûlée. Chaque 26 janvier au soir, pour célébrer Sainte Dévote, patronne de Monaco (et de la Corse), une barque est incinérée sur le parvis de l’église éponyme et il est coutume de retirer des cendres un clou dont on dit qu’il porte bonheur.
Finement documentées sur le site web de la marque, ces légendes et histoires sont, plus encore que la soie, le cachemire ou la cire naturelle d’abeille, la matière première de Monoïkos 1297. Une marque née d’une évidence. Nous sommes à l’orée des années 2020. Letitia et Charlotte, monégasques de sang et de cœur, se rendent à un anniversaire et cherchent un cadeau. Elles déplorent alors que rien d’authentiquement monégasque n’existe. La première, conservatrice du patrimoine, la seconde, venue de l’univers du luxe, s’entendent sur un projet commun : créer une collection d’objets qui tire sa légitimité d’un équilibre entre les meilleurs savoir-faire artisanaux et l’histoire, même la plus apocryphe, de la Principauté. Une maison de luxe qui mette en lumière, en puisant dans les archives de Monaco, son identité riche, vivante, mythique ou inattendue. Non comme un fétiche touristique mais comme un objet culturel, patrimonial et durable. Apte à traverser les générations comme l’envisageaient les maisons de luxe autrefois.
Ainsi, les deux fondatrices optent pour une production responsable, où l’essentiel se passe dans un rayon restreint de 250 km. Périmètre qui inclut une multitude de savoir-faire uniques. Boîtages précieux à Monaco, parfumeurs à Grasse, verriers italiens, chaque sous-traitance consacre un respect professionnel mutuel autant qu’une aventure humaine partagée qui constitue la légende propre de Monoïkos 1297.

Nous sommes dans le bureau du patron du Yacht Club de Monaco. La marque a quelques semaines d’existence et pour unique produit, une bougie. L’objet du rendez-vous : explorer les possibilités d’exploiter l’imagerie des navires célèbres de l’histoire monégasque. Le directeur est séduit par l’idée et la marque.
– Vous tombez bien, j’ai des cadeaux de fin d’année à faire. Vous avez quoi au catalogue ?
– Une bougie
– Bien. Vous pouvez m’en livrer 2 000 très vite ?
– Bien sûr.
Problème, la réalisation du décor, délicate, exige énormément de temps. Audace et force de conviction, les bougies seront livrées.
Admiratives d’un grand sellier français, les deux créatrices écrivent à son directeur de production. Surprise, il leur répond et fixe même un rendez-vous rapide. Le courant passe, la maison accepte de produire certaines de leurs pièces. La relation s’engage.
– Vous avez les dessins ?
– Les dessins ?
Le duo comprend alors qu’il faut préparer tous les croquis techniques et s’adapte au galop.
Les fêtes s’annoncent et les deux créatrices approchent la galerie commerciale de l’Hôtel Métropole à Monaco. Problème : le seul espace éphémère est réservé de longue date. Pourtant, 6 semaines avant l’ouverture prévue, le locataire se désiste.
– Vous pouvez réaliser un pop-up de luxe ? C’est la condition sine qua non. Vous pouvez aussi l’achalander durant toute la période de fin d’année ?
– Bien sûr.
Rien de tout cela n’existe. Audace et force de conviction, le pop-up est un succès et le mobilier, créé pour l’occasion, conservé comme modèle par la galerie.
Avec son univers original, Monoïkos 1297 ne peut s’accommoder de boutiques multi-marques, il lui faut son espace propre. Ceux qui entourent le Carré d’Or à Monte-Carlo sont hors d’atteinte. L’idéal, imaginent les créatrices, serait d’être à proximité d’une marque française de prêt-à-porter bien connue aux initiales Z&V. Coup de téléphone de l’Administration des Domaines de Monaco :
– Vous cherchez toujours une boutique ? Un pas de porte vient de se libérer juste en face de Z&V.
Audace et force de conviction, et une bonne étoile aussi. Aujourd’hui, Monoïkos 1297 bénéficie du soutien de l’État monégasque, qui figure à son carnet de commande, tout comme le Yacht Club, l’Automobile Club ou le groupe Monte-Carlo Société des Bains de Mer. Sans que la marque ne perde pour autant sa vocation : continuer d’écrire une histoire sensible de la Principauté, mise en images et en objets par quelques accessoires de mode ou de déco réalisés par des ateliers métier d’art en séries limitées. Quartiers emblématiques de la Principauté, événements marquants, personnalités historiques, Leticia et Charlotte tissent leur fil narratif main dans la main avec leur réseau d’artistes, illustratrices et artisans complices. Avec talent et malice. Bien sûr.
