Rencontre avec Anne-Cécile Ratsimbason
Ses problèmes de dos ont occupé 10 ans de sa vie. Les oublier aurait été légitime. Une rencontre décisive va pourtant la convaincre de mettre son expérience personnelle, et son talent de styliste, au service des autres.
Tout sourire, Anne-Cécile raconte ce qui ressemble à une révélation. Débit rapide, mots choisis, elle s’exprime avec la lumineuse assurance d’une jeune femme qui sait où elle va.
De ses études d’art à la Villa Arson à Nice jusqu’à son diplôme de mode à Berlin, Anne-Cécile Ratsimbason s’était tracé une trajectoire idéale vers la création. Jusqu’au jour où sa propre expérience est venue frapper à la porte. Le déclic.
“Pendant 10 ans, j’ai dû porter un corset orthopédique pour des problèmes de dos. Pas évident de vivre avec ça.
Un jour, à la fin de mon traitement, le Docteur Pomatto qui me suivait à l’Ecole du dos, considérant sans doute que je m’en étais plutôt bien sortie, m’a demandé si j’acceptais de dialoguer avec certains de ses patients, pré-ados et ados, pensant que je pourrais avoir une influence positive sur eux.”
Démarre alors un protocole qui consiste pour la jeune femme à s’entretenir, tous les mercredis, avec des patients parfois à peine plus jeunes qu’elle. “Je comprenais parfaitement ce qu’ils ressentaient, à quel point une pathologie peut être lourde à porter.”
Au fil des entretiens, l’évidence la frappe. Son savoir-faire de styliste, Anne-Cécile va pouvoir le mettre à profit pour améliorer la vie de toutes les personnes suivant un traitement médical lourd.
“C’est là que j’ai conçu l’idée de stylisme médical, des idées de mode sur mesure qui peuvent aider à mieux vivre.”
Son premier défi ? Faciliter l’observance.
“On est souvent tenté de ne pas suivre les traitements, simplement parce qu’ils sont contraignants et toujours pensés pour être efficaces, rarement pour être confortables.”
Par le dialogue, “les patients sont les experts”, Anne-Cécile identifie les problèmes et dessine des vêtements originaux comme autant de solutions.
Ici, une poche intérieure intégrée pour accueillir une pompe à insuline en toute discrétion ; là, un manchon en tissu technique pour protéger les mains d’une personne en fauteuil roulant lorsqu’il pleut.
La démarche est rigoureuse et s’inscrit dans un échange permanent avec le corps médical. “Toutes mes créations sont validées par les médecins et hospitaliers.”
Aujourd’hui, Anne-Cécile est de plus en plus sollicitée par les hôpitaux et thérapeutes qui sentent que le stylisme médical est peut-être le lien manquant dans la relation au patient. “Je suis contactée aussi bien par les médecins que par les patients. A chaque fois, il s’agit pour moi de passer du temps avec la personne, comprendre ce qu’elle vit, c’est un travail de laboratoire mais aussi une expérimentation in vivo.” En participant au bien-être de la personne par ses créations, elle a conscience de restaurer d’une certaine façon un lien social mis à mal. Conçus pour effacer ces différences visibles qui affectent les patients et les marginalisent, alléger leur quotidien par une prise en compte aussi bien physique que psychologique de leurs besoins, les vêtements que conçoit Anne-Cécile donnent à la fonction de mode une vraie noblesse, celle de faire renaître l’intégrité et l’estime de soi.
“Ma plus grande récompense, la raison d’être de mon travail, c’est le retour formidable que j’obtiens lors de chaque expérience. Les gens attendent de moi des choses. Je n’ai pas droit à l’erreur.”
Ce qui explique sans doute qu’Anne-Cécile souhaite prendre son temps. “Je pourrai faire des séries plus importantes, développer mon activité.
Pour l’instant, je veux encore passer du temps à écouter et comprendre.”
Récemment récompensée au Sénat par le Grand Prix Talents des cités 2015, la jeune femme poursuit sa voie, habitée par la passion de la mode et le bonheur d’être utile.
stylismemedical.fr/StudioRatsimbason
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